La grande civilisation de Zimbabwe

Il y a 1600 ans, le peuple Kalanga/Karanga posait les bases d’une civilisation, qui allait devenir la plus formidable de l’histoire ancienne de l’Afrique australe…

Vestiges de Zimbabwe

19e siècle. Les colons européens pénètrent violemment en Afrique australe. En s’enfonçant dans les terres, ils découvrent au Zimbabwe des constructions monumentales qui s’étendent sur des kilomètres. Complètement ahuris, ils décrètent d’emblée que ces merveilles ne peuvent pas être le fait de la race nègre inférieure.

C’est ainsi que commence la falsification de l’histoire de la civilisation de Zimbabwe, dont on a attribuée la paternité à tous les Blancs imaginaires du monde. L’allemand Karl Mauch dit en 1871 « La cité n’a pas été construite par des Africains, car le style de construction est trop élaboré : c’est l’œuvre de colons phéniciens ou juifs » [1]

Les Africains ont interdiction de se rendre sur les sites pour leurs pratiques religieuses. Le gouvernement raciste britannique fait emprisonner tous les chercheurs qui soutiennent l’origine africaine de ces constructions. Il faudra attendre la fin de l’apartheid en Rhodésie du Sud pour qu’on rende officiellement aux Karanga et à l’Afrique ce passé glorieux. Après l’indépendance gagnée de haute lutte, le pays abandonna son nom en hommage au colon anglais Cecil Rhodes et prit le prestigieux nom de Zimbabwe.

Aux origines

Les différentes cultures d’Afrique australe ont sans aucun doute joué un rôle dans l’émergence de cette civilisation. En Afrique du sud voisine, on trouve notamment les ruines du Mpumalanga qui s’y on en croit les essais de datation qui ont été faits et qui restent à confirmer, représentent les plus anciennes constructions humaines en dur de l’histoire. Mpumalanga serait vieux de 75 000 à 160 000 ans. C’est en Afrique du Sud que sont concentrées les plus nombreuses traces de la civilisation humaine initiale. Mais c’est véritablement le peuple Kalanga, encore dit Karanga, qui va plus tard magnifier la culture locale.

Ruines anciennes et effondrées par l’usure du temps, qu’on retrouve sur le site de Mpumalanga

La montée en puissance des Karanga

Les Karanga font aujourd’hui partie du grand groupe Shona, qui représente la majorité de la population du Zimbabwe. D’où viennent-ils ? Il est avancé que c’est un peuple originaire des Grands Lacs et venu trouver les Khoisan (Bushmen). Vu qu’ils ont introduit l’architecture en pierre de taille dans la région, Louise Marie Diop-Maes se demandait si leur origine ne remontait pas jusqu’au Soudan, vu qu’à la chute du puissant empire pharaonique de Baroua, il est rapporté que des bâtisseurs ont migré vers le sud avec leurs techniques.

L’agriculture, les intenses pratiques religieuses vitalistes dédiées à Mwari (Dieu) et aux Mudzimu (ancêtres), et l’exploitation des richissimes ressources minières de l’Afrique australe, ont favorisé la prééminence des Karanga dans la région.

Ainsi il y a 1600 ans, ils bâtissent le fort de Mhanwa (Acropolis Hill). Ces fortifications africaines sont 600 ans plus vieilles que le plus ancien château fort d’Europe. C’est en Egypte qu’ont été construits les premiers châteaux forts au monde. Il est probable que ce soit les Noirs encore pendant la civilisation Maure des Noirs Berbères du Maghreb en Espagne, qui ont introduit la construction de châteaux forts en Europe. La muraille de Mhanwa est haute de 11 mètres et elle court sur 100 mètres !!!

Le fort sur Mhanwa

L’émergence de Grand Zimbabwe

Vers 5400 de l’ère africaine (1100 après JC), les Karanga s’établissent aussi à Mapungubwe en Afrique du Sud, construisent en pierre et travaillent avec précision l’or. Presque au meme moment, plus au nord et pendant 300 ans, ils vont élever de nouvelles constructions au bas de Mhanwa, notamment le célèbre grand enclos, marquant ainsi la naissance de Grand Zimbabwe.

Toutes ces constructions furent nommées Dzimba Dzemabwe, c’est-à-dire maisons de pierre. C’est Dzimba Dzemabwe qui est à l’origine du mot Zimbabwe. Grand Zimbabwe impressionne. Ses murs sont de 10 mètres de hauteur, de 5,5 mètres d’épaisseur au bas et de 3,5 mètres au sommet. Le grand enclos, avec sa forme en ellipse, a un périmètre de 244 mètres !

En 2002, l’astronome Richard Wade a conclu que Grand Zimbabwe avait été construit sur des bases astronomiques, en reflétant la constellation d’Orion et l’indication des solstices. Encore une fois donc on en vient à Orion, constellation sacrée des anciens Egyptiens et dont les 3 étoiles sont représentées par les 3 grandes pyramides. Ces dernières marquent également la survenue des solstices. On conclue donc que les Karanga avaient des connaissances astronomiques avancées et en bons Africains, cherchaient ainsi à cartographier le ciel afin de découvrir la parole Dieu. 

Le site divin de Grand Zimbabwe
Grand Zimbabwe
Grand Zimbabwe
Grand Zimbabwe
Grand Zimbabwe
Grand Zimbabwe. Le grand enclos est un temple religieux suivant l’astronomie divine, considérée par les Africains comme Maât (la parole de Dieu)

L’époque de Grand Zimbabwe fut une période faste grâce à une forte activité industrielle. Près de 4000 sites miniers de transformation du fer, de l’or, du cuivre et de l’étain ont été retrouvés dans la région. On a évalué à 30 000 tonnes la quantité d’étain extraite sur un site. Le travail prolifique de la céramique et du bronze sont également documentés. Le commerce international avec l’Asie et le monde arabo-musulman était particulièrement développé. Les ressources minières et l’ivoire s’écoulaient par le port de Solafa au Mozambique, et étaient exportés sur les mers par des navigateurs arabes et africains.

Ce commerce a servi de levier économique à toute la Côte Est africaine, notamment sur la richissime civilisation Swahili en Tanzanie-Kenya. A Grand Zimbabwe, ont été trouvés de très nombreux objets en or et en cuivre, de la porcelaine chinoise et des perles syriennes. Même les sites de Mapungubwe en Afrique du Sud et Ignombe Ilede en Zambie étaient riches de tous ces objets. Cette intense activité commerciale a favorisé l’implantation des Arabes dans la région.

Sculptures de Mapungubwe, couvertes de feuillets d’or
Mapungubwe
Lingots de cuivre d’Ignombe Ilede, Zambie, 11e siècle
Contrairement à une idée courante en Occident, et qui est utilisée par certains pour justifier le vol de nos richesses, nous n’avons jamais attendu les Européens pour comprendre la valeur de nos ressources minières et savoir les exploiter.
Photo de M. Fagan
Histoire Générale de l’Afrique, volume 4.

Le Mwene Mutapa : l’apogée

Au 15e siècle, les commerçants arabes avaient pris le controle des ports mozambicains, s’accaparant même des territoires jusqu’aux confins du fleuve Zambèze. Leur influence grandissante représentait un danger pour les locaux.

Face à la menace, le roi Nyatsimba Mutota, va réussir à coaliser les peuples locaux pour chasser les Arabes par la force. Le grand Mutota hérite du titre de Mwene Mutapa, c’est-à-dire souverain des terres conquises. C’est Mwene Mutapa qui fut déformé en Monomotapa par les portugais. Son fils Matope va étendre le pouvoir de son père sur le Mozambique, la Zambie, l’Afrique du Sud. C’est ainsi que naquit l’empire du Mwene Mutapa dont la capitale se déplaça, Grand Zimbabwe étant abandonné notamment en raison de la sécheresse et la raréfaction de l’or.

L’étendue de l’empire de Mwene Mutapa

Cette cartographie de 1688 définit en gros l’influence du Mwene Mutapa. L’encyclopédiste français Diderot nous en dit  « le roi qui le gouverne est fort riche, et étend presque son domaine jusqu’au cap de Bonne Espérance » [2]. A son apogée, Le Mwene Mutapa régnait donc en totalité ou en partie sur le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, le Mozambique, la Zambie et le Botswana.

L’organisation du Mwene Mutapa

Comme dans toute l’Afrique, le pouvoir reposait sur le matriarcat. L’Empereur épousait sa sœur et la cérémonie était dirigée par la reine-mère ou Mère Royale. Le roi avait 9 épouses, ce qui fait penser aux 9 éléments primordiaux de la Religion Africaine.

La Mère Royale ainsi que chaque épouse royale, disposait de sa cour. Près de 3000 personnes étaient affectées à leurs services. Comme en Egypte, au Kongo, en Ouganda, dans l’ancien Ghana, chez les Ashanti, la mère et la sœur-femme du roi avaient une influence importante. Dans la pure tradition africaine, le roi était mis à mort s’il trahissait les aspirations de son peuple.

C’est un oiseau qui servait d’animal totémique au souverain comme en Egypte, au Mali, en Somalie, à Madagascar. Un feu était allumé dans le palais et symbolisait la vie du roi, il n’était éteint qu’à sa mort. La santé du roi, comme dans toute l’Afrique, était indispensable à la prospérité du peuple.

La Namwari, c’est-à-dire la Mère Royale, était comme chez les Kuba de RD Congo, le personnage le plus haut de l’Etat. Le Mwene Mutapa, l’empereur, exécutait le pouvoir. Les Chengere Mwari, les prêtres, coordonnaient le puissant culte vitaliste. Venaient ensuite les Mashona (les fonctionnaires), les Limpo (les agriculteurs), enfin les serviteurs et la caste inférieure des dépendants.

En ce qui concerne l’économie, Dapper nous en dit encore « Les campagnes (du Monomotapa sont) fertiles en pâturages et en fruits nécessaires à la vie… Les habitants sont riches en gros bétail dont ils font plus de cas que de l’or… la viande ordinaire du peuple est du bœuf salé ; leur boisson du lait qui commence à s’aigrir, et de l’huile de sésame, leurs pains des gâteaux de riz, de mil, d’ignames ». [3]. Les citoyens ne payaient pas d’impôts.

Diderot pour sa part nous dit encore que « Cet Etat est abondant en or et en éléphant » [2]

Le luxe au Mwene Mutapa  

Les témoignages d’époque des explorateurs européens parlent d’eux-mêmes. Nicolas Samson d’Abbeville dit « le palais est grand, magnifique, flanqué de tours au dehors avec quatre principales portes ; le dedans enrichi de tapisserie de coton, rehaussé d’or et de meubles riches et superbes » [4]

Dapper poursuit « On y entre par quatre grands portaux où les gardes de l’empereur font tour à tour la sentinelle. Les dehors sont fortifiés de tour et le dedans divisé en plusieurs chambres spacieuses garnies de tapisserie de coton où la vivacité des couleurs dispute le prix à l’éclat de l’or (…) Des chaires dorées, peintes et émaillées de chandeliers d’ivoire suspendus à des chaînes d’argent sont une des beautés de ces appartements somptueux. Sa vaisselle est de porcelaine entourée de rameaux d’or » [5]

« Au Monomotapa, les rois ne changent point de mode, ils portent une longue robe de soie tissu dans le pays ; ils portent au côté une serpe emmanchée d’ivoire. Les gens du commun s’habillent de toiles de coton et les grands d’indiennes brodées d’or » [6]

Arrivés au port de Solafa, les Européens témoignaient « deux senhores du pays vinrent nous voir. Fort hautains, ils n’apprécièrent rien de ce que nous leur donnâmes. L’un portait un manteau à frange de soie brodée, et celui de l’autre était tout entier en soie verte. Nous comprîmes à leurs signes qu’un jeune homme qui était avec eux était venu d’un pays lointain et avait déjà vu de grands bateaux semblables aux nôtres » [7]

Ruines de Khami
Khami
Khami
Dhlo Dhlo
Les ruines se comptent par centaines sur des kilomètres

Le déclin de la civilisation de Zimbabwe

Cette brillante civilisation a péri sous les très violents coups des attaques des Portugais pendant la traite négrière européenne. La résistance fut absolument héroïque. Cela a été raconté en détail ici.

Hotep !  

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
  • The destruction of Black Civilization, Chancellor Williams
  • Histoire générale de l’Afrique, Unesco, volumes 4 et 5
  • L’Afrique impériale, Nioussérê Kalala Omotunde
  • Unesco.org
  • New Scientist 
  • Antériorité des civilisations nègres, Cheikh Anta Diop
  • [1] L’Afrique impériale, Nioussérê Kalala Omotunde, page 75
  • [2] Académie de Montpellier 
  • [3] Afrique noire, sol, démographie et histoire ; Louise Marie Diop-Maes, page 156
  • [4] La traite négrière européenne : vérité et mensonges, Jean Philippe (Nioussérê Kalala) Omotunde, page 75
  • [5] Idem, page 76
  • [6] Idem, page 74
  • [7] L’Afrique doit s’unir, Kwame Nkrumah, pages 20 et 21.
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