Dongola, la civilisation du Soudan impérial

Il y a plus de 1000 ans, a prospéré dans la vallée du Nil une culture prestigieuse, qui a fait suite à l’époque pharaonique.

Ta Seti, mère de la civilisation africaine

Ta Seti, c’est-à-dire la Terre des archers, était une ère géographique couvrant le Soudan, le sud de l’Égypte et l’Ethiopie. C’est à Qustul, à la frontière soudano-égyptienne actuelle, qu’est attesté le premier roi et pharaon de l’histoire. C’est ce Soudan actuel, lieu fort de Ta Seti, qui enfantera la civilisation égyptienne.

Ta Seti ou Nubie, a été la mère de Ta Meri (L’Egypte) pendant 3000 ans, jusqu’à la diriger sous la 25e dynastie des pharaons soudanais. 3 civilisations se sont succédées en Nubie à l’époque pharaonique : Kerma, Napata et le tout puissant Baroua (Méroé) avec ses Khoï (rois) et ses Kandake (reines), parmi lesquelles Amanirenas, la plus grande femme africaine de l’histoire.

Au centre une reine de Napata tenue par Horo (Horus) à droite. Scène probable de la salle des 2 Maât pour le jugement dernier.
Les pyramides de Baroua. Bien que les pyramides soient un concept d’origine égyptienne, il y en a plus au Soudan qu’en Egypte.

Du Soudan sont originaires de très nombreux peuples africains. Beaucoup de noms qu’on trouve en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale viennent de ce pays. A la chute de Baroua il y a 1700 ans, un ensemble de royaumes chrétiens a dominé le pays. La renommée ville de Dongola représente cette période historique.

La naissance des royaumes chrétiens

Comme nous l’avons expliqué en détail ici, le christianisme a été introduit en Afrique par les Romains au 4e siècle. L’Egypte alors colonie romaine, a reçu cette religion suite à des siècles de violence, puis l’a diffusée à l’Ethiopie peu après.

C’est ainsi qu’en 543, l’empire romain d’Orient envoya une mission prosélyte au Soudan. L’église locale fut ainsi fondée et mise – comme celle de l’Ethiopie – sous la tutelle des Coptes égyptiens. Du nord au sud du Soudan, sont donc nés 3 royaumes chrétiens : Nuba (ou Nobadia), Makuria et Alodia. Le Soudan chrétien est avec la civilisation de l’Ethiopie impériale, une des 2 civilisations noires chrétiennes.

L’organisation de la Nubie                           

Vers l’an 4800 de l’ère africaine (600 après JC), les royaumes sont constitués. Ils sont indépendants, mais s’unifient pendant certaines périodes pour faire face aux attaques arabes. Malgré le christianisme, le mode de succession au trône répond à la tradition matriarcale africaine. C’est le fils aîné de la plus âgée des sœurs du défunt roi, qui prend le pouvoir. Le précieux fleuve Nil assure plusieurs récoltes par an.

Cartographie des royaumes chrétiens de Nubie

Les Soudanais cultivent du millet, de l’orge, des dattes et élèvent des bœufs et des porcs. Comme dans toute l’Afrique avant la traite européenne – excepté en Ethiopie – la famine est inexistante contrairement au reste du monde. On importe au Soudan du vin et de la verrerie. Les 3 capitales Faras, Dongola et Soba sont des villes prestigieuses.

Vers le 8e siècle, on produit des poteries en céramique (bol, marmite etc…) qui rivalisent par l’éclat de leurs couleurs et la sophistication de leurs motifs. Les Nubiens se couvrent de tissus, faits de laine ou de poil de chameau, carrelés et colorés. Ils portent des chaussures soigneusement tressés avec des fibres de palmier. L’écriture de l’époque est le copte, lui-même descendant des hiéroglyphes égyptiens.

Moses Georgios, roi de Makuria et Alodia au 12e siècle

Les villes nubiennes

Dongola, plus grande ville du Soudan impérial et capitale de Makuria, était une ville fortifiée, entourée d’épaisses murailles. L’auteur arabe ancien Abu Salih nous dit « c’est ici (à Dongola) que le roi a son trône. C’est une grande ville qu’arrose le cour béni du Nil. Elle possède de nombreuses églises, de vastes maisons et de larges avenues.  Le roi habite une haute demeure, qui avec ses nombreuses coupoles de brique rouge, ressemble aux édifices qu’on trouve en Irak » [1].

Au 16e siècle, malgré le déclin, Léon l’Africain dit toujours « Les habitants (de Dongola) sont riches et civilisés, parce qu’ils font le commerce des étoffes, des armes et de diverses autres marchandises en Egypte » [2].

Au nord de la confédération, dans le royaume de Nuba, s’étendait un ensemble de demeures au plan inédit par leurs installations perfectionnées (conduites d’eau, salles de bain avec système de chauffage) et par les peintures murales qui en décoraient l’intérieur [3].

De Soba, la capitale du royaume d’Alodia au sud, un auteur arabe du 10e siècle dit qu’elle possède de magnifiques bâtiments, de vastes monastères, des églises regorgeant d’or, des jardins [3].

Dongala
Vestiges d’une église de Bangarnati, près de Dongola
Reconstitution de l’église de Banganarti
Image de Bogdan Żurawski
L’ancien palais royal de Dongola, devenu mosquée au 14e siècle
Ses murs ont été tellement modifiés qu’il est très différent de ce qu’il était à la base
Dongola
Dongola
Faras
Faras
Restes d’une forteresse de Soba

La prestigieuse défense nubienne

S’il y a bien une qualité qui a distingué les Soudanais depuis le début de notre histoire jusqu’au 11e siècle, c’est leurs qualités militaires. Les Arabes, comme les Romains à l’époque d’Amanirenas, en feront les frais. En 640 les Arabes entrent en Afrique en envahissent l’Egypte. Ils ambitionnent de conquérir la Nubie. L’attaque provoque l’unification de Nuba et de Makuria. Les Soudanais répondent avec leurs arches redoutables. Sans pitié et avec précision, ils placent leurs flèches dans les yeux des envahisseurs. Les Arabes les surnomment rumat al-hadaq (les perceurs de pupilles).

Avec leurs milliers d’éléphants et leurs techniques ancestrales, ils tiennent tête aux musulmans. La situation se neutralise par un traité de non-agression nommé Baqt. Les Africains fournissent ainsi 400 Noirs chaque année pour l’esclavage, contre la garantie de ne pas être attaquée par l’empire arabe. C’est le début de la traite négrière arabe. Un siècle plus tard, le prince nubien Georgios se rendra à Baghdad pour faire abolir ce traité, sans succès.

En 750 le patriarche chrétien copte est emprisonné par les Arabes en Egypte. L’armée nubienne marche jusqu’au Caire pour sauver les Noirs et Blancs coptes des massacres. Elle se retire après avoir obtenu la libération du chef chrétien et s’impose comme protectrice des Coptes d’Egypte.

La chute des royaumes nubiens

Au 10e siècle, les hostilités avec les Arabes reprennent, les Soudanais conquièrent le sud de l’Egypte. Au 11e siècle, l’irresistible pouvoir arabe conquiert le nord du pays, forçant les Nubiens à envahir des territoires vers la Mer rouge pour se donner de l’espace. Les Arabes profitent des querelles de palais pour s’imposer. En 1323 Koudanlès, le dernier roi de Dongola est déposé. Alodia, malgré sa cavalerie, succombera après. C’est ainsi que Ta Seti, ce pays si précieux pour la mémoire africaine, se définit aujourd’hui au nord comme un pays arabe.    

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • – Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
  • – Histoire générale de l’Afrique, volume 3, Unesco
  • – [1] Histoire générale de l’Afrique, Volume 3, page 226
  • – [2] Afrique noire, sol, démographie et histoire ; Louise Marie Diop-Maes, page 99.
  • – [3] Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo, page 122
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