Le miracle démographique africain

8 Juillet 2017. Lors du sommet du G20 en Allemagne, un journaliste africain, atteint du syndrome du sauveur blanc, demande au président de la France Emmanuel Macron quand est-ce que le G20, la France en particulier, engagera un plan de développement pour « sauver »  l’Afrique.

Mr Macron, perché sur son complexe de supériorité n’attendait pas qu’on lui donne une telle occasion. Il répond, avec arrogance, que le problème de l’Afrique est que les Africaines font 7 à 8 enfants en moyenne chacune, et qu’avec une telle natalité, le développement est impossible.

Mr Macron lors du G20 en Allemagne

Ces pensées exprimées ouvertement sont dans la continuité de Mr Sarkozy, qui est obsédé par la démographie du Nigéria. C’est un avis partagé par la majorité de l’intelligentsia occidentale.

La polémique née des dires racistes de Mr Macron permet d’ouvrir avec un large écho le débat sur la démographie africaine, et d’éclairer les Africains sur les enjeux qui lui sont liés. Nous allons dans cet article parcourir l’histoire démographique du continent noir, sa dynamique actuelle, et dégager les orientations pour le futur.

Forte population rime-t-elle avec pauvreté ?

Regardons simplement quelles sont les principales puissances économiques au monde aujourd’hui. La Chine est 1ère ou 2e selon les classements et c’est le pays le plus peuplé au monde. Les Etats Unis, 1ers ou 2es, sont le 3e pays le plus peuplé au monde. En Europe les Norvégiens ont le revenu par habitant le plus élevé du continent, mais ils ne sont pas le pays le plus riche, et ne comptent pas politiquement. Pourquoi ? Parce que la population norvégienne est faible.

Quel est le pays le plus riche et influent d’Europe, et en même temps 4e le plus riche au monde ? C’est l’Allemagne. Pourquoi ? Parce que l’Allemagne est le pays le plus peuplé du continent. Si la Chine, les Etats-Unis ou l’Allemagne sont si influents aujourd’hui c’est en bonne partie parce que leurs populations sont fortes.

Sur chaque continent le pays le plus peuplé est aussi le pays qui produit le plus de richesse. C’est une constante. Les Etats-Unis en Amérique, la Chine en Asie, l’Allemagne en Europe, le Nigéria en Afrique. Alors qu’en Afrique ce serait le Botswana par exemple, qui a un des revenus par habitant les plus élevés du continent qui devrait occuper cette place, le Nigéria la détient, parce qu’il a l’avantage du nombre avec ses 200 millions d’habitants.

Donc non, forte population ne rime pas avec pauvreté contrairement à ce qu’on veut que nous croyions. Forte population rime avec richesse et pouvoir géopolitique sur la scène mondiale. C’est un avantage indéniable. Et c’est justement pour des raisons géopolitiques que la démographie africaine est combattue.

1,2 milliards

C’est le nombre d’habitants que compte L’Afrique au sud du Sahara, auquel il convient d’inclure le nombre d’Africains des Amériques. Que représentent ces chiffres par rapport à notre histoire ? Le monde noir est-il fortement peuplé ou surpeuplé comme certains le disent ?

Les Noirs d’Afrique sont le plus ancien peuple au monde. L’humanité est née il y a 200 000 ans sur le continent noir et cette naissance a précédé de 100 000 ans la migration de ces Africains premiers vers les autres continents. On devrait donc s’attendre à ce que les Africains, placés à l’origine dans un climat aussi favorable que le leur, soient les plus nombreux au monde.

Pourtant l’Afrique aujourd’hui a une densité de 42 habitants pour chaque Km2 de territoire, contre 99 pour l’Asie et 73 pour l’Europe. L’Afrique n’est donc pas surpeuplée contrairement à ce que dit la propagande.

C’est en particulier le cas pour l’Afrique centrale qui est pratiquement vide. Le Congo-Brazzaville est grand comme l’Allemagne mais est 16 fois moins peuplé. La Centrafrique, aussi grande que l’Allemagne et l’Italie réunies est 28 fois moins peuplée que les 2. Le Gabon, aussi grand que la Grande Bretagne, est 30 fois moins peuplé. On dira la même chose pour l’Afrique australe dont la population est relativement basse.

Les endroits avec des densités comparables à celles rencontrées en Europe de l’ouest sont les grands Lacs, le Nigeria ou le Ghana. Qu’est ce qui explique ces chiffres bas ?

78 à 84%

Cet intervalle est le pourcentage de réduction de la population africaine au sud du Sahara par la traite négrière arabe, la traite négrière européenne et la colonisation européenne. L’Afrique avait effectivement, la plus forte population au monde à la fin du 15e siècle.

La géographe et démographe française Louise Marie Diop-Maes, qui a fait un travail de référence sur l’évolution démographique africaine – à travers son ouvrage Afrique noire, sol, démographie et histoire – est  parvenue à la conclusion selon laquelle avant les actes terroristes des esclavagistes européens, la population se situait entre 600 et 800 millions de personnes.

350 ans de razzias, de déportation et de destruction des sociétés africaines anciennes avec leurs richissimes empires d’alors, ont amené ce nombre à 200 millions vers la fin du 19e siècle.

L’Afrique avant le déchaînement de la traite européenne : populeuse, riche, fière et encrée dans sa culture (Illustration de Léo et Diane Dillon)

La colonisation européenne par la suite, avec ses crimes innommables, a fait baisser ce nombre à 127 millions vers 1930. Au début du 20e siècle, les Noirs d’Afrique étaient en voie d’extinction. La Maafa (holocauste noir en Swahili) a donc causé de 473 à 673 millions de pertes humaines à l’Afrique

Mme Diop concluait que la raison pour laquelle nous sommes toujours là après ces 450 ans d’apocalypse est que nous étions à la base très nombreux. Notre forte démographie passée est la raison de notre existence aujourd’hui et de manière absolument remarquable, elle s’est envolée à la fin de la colonisation.

5

C’est le chiffre par lequel la population en Afrique a été multipliée entre 1960 et 2017. Il a suffi d’un arrêt des agressions, pour que comme par magie le nombre parte fortement à la hausse. Pourtant il y a eu peu ou pas de mesures incitatives à la natalité par les gouvernements. Malgré le paludisme, le Sida, les guerres, les famines etc… la population africaine ne cesse de progresser inexorablement.

Par ailleurs, si le nombre moyen d’enfants par femme est passé de 6,6 en 1960 à 4,9 aujourd’hui, c’est maintenant la baisse de la mortalité dans toutes les tranches d’âge qui justifient cette augmentation encore plus rapide aujourd’hui qu’avant. L’amélioration de la médecine soutient donc la croissance démographique.

4

C’est le nombre par lequel la population africaine va se multiplier entre aujourd’hui et la fin du siècle. L’Afrique au sud du Sahara comptera 4 milliards d’habitants en 2100. Plus d’un habitant sur 3 sur la planète sera africain.  Cet avenir annonce un vibrant retour de l’Afrique au devant de la scène géopolitique mondiale. Et c’est justement là le problème de l’élite occidentale.

1,6 

C’est le nombre moyen d’enfants par femme dans l’Union Européenne. On est ici en dessous de 2, chiffre permettant de renouveler les générations. C’est encore plus bas en Allemagne, en Italie ou en Espagne.

Malgré les incitations financières mises à leurs dispositions, les femmes européennes ne font pas assez d’enfants. Elles sont plus éduquées et veulent profiter d’une vie sans enfants, vivent dans des sociétés individualistes où elles doivent souvent supporter presque seules, la charge de s’occuper de leur progéniture. Autant de facteurs qui expliquent la natalité atone en Occident. 

Le Nigéria avec son nombre qui lui donne la légitimité pour guider l’Afrique, va devenir en 2050 un des 10 pays les plus riches au monde. La fin de ce siècle pourrait donc voir, pour des raisons démographiques, une Europe en déclin et une Afrique revenue au 1er plan géopolitique et économique.

C’est cela qui explique pour l’élite occidentale, une obsession quant aux utérus des Africaines et les attaques verbales contre les femmes noires qu’on faits passer pour des écervelées. Il y a manifestement une peur d’une puissance future de l’Afrique. Le débat actuel s’inscrit dans un mouvement commencé au 20e siècle. C’est ainsi que la France a stérilisé de force les femmes noires sur l’île de la Réunion.

La légalisation de l’avortement a été votée aux Etats-Unis dans les années 70 avec, en partie peut-être pour but, de cibler les Africaines-Américaines. Le président Nixon disait des électeurs qu’ils voteraient pour la loi en se disant que « Ce sont les bâtards noirs qui seront avortés » [1]. 

L’introduction de la drogue par les services secrets au sein des communautés noires dans les années 80 avec son lot de violences, puis l’incarcération massive des hommes noirs par les lois de Bill Clinton dans les années 90, ont fait exploser le tissu social. Qui plus est, le fait que tant d’hommes noirs qui réussissent, refusent par aliénation d’épouser des femmes noires, contribue à cette désagrégation.

Par conséquent alors qu’à l’époque de la ségrégation le mariage était la norme chez les Noirs, aujourd’hui 48% des femmes noires n’ont jamais été mariées contre 30% de toutes les Américaines confondues [2]. Elles ont donc recours – vu leur situation instable – massivement à l’avortement. Une femme sur 8 aux Etats-Unis est noire mais 1 avortement sur 3 est le fait d’une femme noire [3]. 

En Afrique du Sud des travaux ont été faits pendant l’apartheid pour développer des maladies afin de faire disparaître les Noirs. Le Dr Wouter Basson, médecin personnel du président Botha, a dans ce sens créé des armes chimiques et biologiques dans les années 80. Il cherchait une « bombe noire » pour exterminer les Africains.

Bien les campagnes de promotion de la contraception financées par les ONG en Afrique travaillent également dans ce sens. Si nous reconnaissons bien entendu le droit des femmes à recourir à la contraception, nous disons que l’Occident ne se précoccupe pas vraiment de leur bien-être. Beaucoup de ces campagnes ont pour but de freiner la natalité sans notre consentement.

Il faut ajouter que si le débat sur le danger d’une surpopulation africaine rencontre un écho favorable chez tant d’Occidentaux aujourd’hui, c’est bien parce que la 1ère étape de l’extermination d’un peuple a été appliquée avec succès. Dans toute l’histoire, avant d’exterminer un peuple, il a d’abord fallu détruire son image, le réduire au rang de sous-hommes, le faire passer pour inutile et nuisible, pour pouvoir justifier sa disparition physique par la suite. Ça a été ainsi avec les génocides arméniens et juifs.

Dans le cas de l’Afrique la destruction de notre image a commencé pour justifier la traite négrière européenne. La falsification de l’histoire glorieuse de l’Afrique civilisatrice de l’humanité, les préjugés racistes sur des Africains fainéants et sauvages qui passent le temps à avoir des relations sexuelles, la diffusion massive des problèmes actuels de l’Afrique et la négation de ses avancées, le gansta rap qui donne en partie une image sous-éduquée et violente des Noirs etc… tout cela rappelle des méthodes adoptées par le passé sur d’autres peuples, qui se sont terminées par les drames qu’on sait.  

Quelle attitude adopter ?

Il revient aux femmes africaines la responsabilité de perpétuer l’Afrique. Il faut donc leur donner – conformément à la tradition africaine fondamentale – l’égalité des droits et des leviers dans le pouvoir de décision politique comme nous l’avons détaillé ici

Pour maintenir un nombre d’enfants moyen par femme à près de 3 ou 4, c’est elles prioritairement qui décideront de quelles incitations financières elles auront besoin, du temps de congé maternité, des mesures de protection de carrière professionnelle en cas de naissance, des fonds à allouer aux centres de remises en forme physique, aux garderies etc…

C’est aux femmes africaines, si grandes et vénérables, qu’il reviendra de définir le cadre le plus confortable dans lequel elles voudront continuer l’effort de natalité.

Il faut enfin que la médecine en Afrique continue ses avancées. Le paludisme et le Sida en particulier doivent être vaincus. Le nombre de morts dues à ces maladies doit poursuivre sa descente.

4 milliards de… ?

Si le futur de l’Afrique soulève l’espoir, il faudra s’assurer des conditions culturelles et économiques dans lesquels vivront tous ces futurs Africains. Il faudra se battre pour que ce ne soit pas 4 milliards d’aliénés honteux de l’Afrique mais de personnes intellectuellement éveillées et fières de leur statue de civilisateurs de l’humanité.

Ce ne sera pas 4 milliards de musulmans et de chrétiens avec un complexe d’infériorité face aux Européens et aux Arabes, mais 4 milliards de personnes en majorité vitalistes qui auront un contact avec le Créateur sans passer par des forces coloniales et leurs buts impérialistes. Ce ne sera pas 4 milliards de pauvres mais 4 milliards de riches et de membres de la classe moyenne qui consommeront africain.

Ce ne sera pas 4 milliards de personnes faisant la force linguistique des Européens, mais 4 milliards de personnes parlant Swahili, Lingala, Haoussa, Bambara etc…

Ça doit être la victoire de notre joie de vivre, de nos chants, de nos danses, de nos rites, de nos fêtes, nos valeurs. C’est donc une transformation culturelle et économique en profondeur à laquelle nous devons travailler, avec ses opportunités gigantesques.  

L’Afrique doit travailler à un futur riche et africain

Conclusion

La forte démographie passée de l’Afrique est la raison pour laquelle les Africains existent toujours et la dynamique d’aujourd’hui est la raison pour laquelle l’Afrique reprendra un leadership géopolitique et économique. Il n’est donc absolument pas question pour l’Afrique d’infléchir sa natalité. Il faut faire des enfants, notamment en Afrique centrale.

C’est à cette condition qu’on retrouvera notre statut dans le monde, comme il y a 3500 ans. La sortie de Mr Macron a eu pour avantage de sensibiliser les Africains sur la volonté de l’élite occidentale à les voir s’effacer. Le miracle démographique que connaît l’Afrique aujourd’hui est un formidable espoir pour le futur, avec ses défis et ses opportunités.

Cette renaissance qui s’annonce sera aussi une revanche sur le passé. Malgré tout ce qui nous a été fait, nous sommes toujours là. Malgré le mépris, l’arrogance, le paternalisme souvent formidable, qu’une bonne partie de la planète a pour nous, que tous ces peuples que nous avons enfantés et civilisés, ont à notre endroit, nous les premiers humains et les civilisateurs de l’humanité sommes toujours là.

On pense en particulier à la RD Congo, le pays le plus martyrisé d’Afrique. Après avoir été décimé et appauvri par la traite européenne, après avoir été saigné par la traite arabe, après avoir connu 12 à 32 millions de morts sous la colonisation belge [4], et malgré les 8 millions de morts au moins dans les massacres actuels de l’Est du pays [5], les Congolais sont toujours là. Ils sont 80 millions et continuent de progresser. Le Congo souffre mais ne rompt pas. Si le Congo n’a pas disparu, l’Afrique entière se doit de ne pas disparaître.

Hotep ! 

Par : Lisapo ya Kama (article ouvert à la copie et la reproduction, sous condition de mettre « source : lisapoyakama.org » en fin d’article. L’autorisation ne concerne que cet article)

Notes :

  • – [1] Dystopia (A Christian Essay on Huxley’s, ‘Brave New World’), Par Richie Cooley. 
  • – [2] Black Demographics 
  • – [3] Washington Times 
  • – [4] Afrique noire, sol, démographie et histoire ; Louise Marie Diop-Maes, page 251.
  • – [5] Le Point 
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