Le Royaume du Baguirmi

Du 16e au 19e siècle, cet Etat grand comme la Sierra Leone, a pesé fortement dans la géopolitique du bassin du Lac Tchad. 

Les cavaliers du Baguirmi
Par Dixon Denham, 1823

Aux origines 

Le peuple Barma ou Baguirmi prend ses origines dans le Nil Blanc, qui coule en Ouganda et aux Soudan. Dans une migration d’est en ouest, les Baguirmi arrivent au sud-est du Lac Tchad. Ils arrêtent leur progression sous un tamarinier, où ils trouvent un berger peul. Leur campement est dressé près de cet arbre et leur capitale Massenya est fondée, non loin de l’actuelle Ndjamena. Birni Besse devient ainsi le premier Mbang (Roi) du Baguirmi. Nous sommes en 5758 de l’ère africaine (1522 de l’ère occidentale).

Le roi noue des alliances avec les peuples locaux qui acceptent pacifiquement la domination du Baguirmi. 

Situation géographique du Baguirmi, au Tchad actuel, entre les jadis empires du Kanem-Bornou et de Wadai

Abdullah, quatrième Mbang, remplace le Vitalisme (animisme) barma par l’Islam, qu’il impose à la classe dirigeante. Le souverain mène la conquête de territoires nouveaux et fait vivre au royaume une période d’expansion. A partir du Mbang Abdullah, les peuples restés fidèles à la Spiritualité Africaine, même ceux au sein du royaume, vont être souvent vus comme des mécréants, sur lesquels le Baguirmi fera par la suite pleuvoir des malheurs. 

L’organisation 

Malgré l’islamisation de l’élite, le matriarcat africain découlant de la loi divine Maât a été très présent. Le Mbang régnait avec sa mère, de laquelle il tirait sa légitimité de roi. Après la mise du Baguirmi sous le pouvoir du tout puissant empire du Bornou au 17e siècle, la Mère Royale portera comme dans le grand empire, le titre de Magira. Certains Mbang, comme dans l’Egypte pharaonique matriarcale, épousaient leurs sœurs. 

La société barma est ainsi restée longtemps matrilinéaire. Il se peut même qu’il y ait eu une armée de femmes. Le voyageur britannique Dixon Denham dit des femmes baguirmi en 1823 qu’elles sont aussi capables que leurs maris de se battre. 

Le complexe royal de Massenya, avec ses hauts murs et demeures à l’architecture originale. Les sujets se prosternent devant le Mbang à cheval. Les éventails tenus à ses côtés sont identiques à ceux utilisés des millénaires avant pour les Pharaons d’Egypte.
Massenya

L’agriculture grâce à l’irrigation du fleuve Chari était florissante. Le mil et le sorgho produits en grande quantité, ainsi que l’élevage et la pêche assuraient la suffisance alimentaire. Baguirmi importait des cauris qui servaient de monnaie comme presque partout en Afrique ancienne. Il vendait son coton et ses vêtements tissés et teints. Mais c’est en partie pour son rôle dans la mise en esclavage des populations locales que le royaume va rester tristement célèbre. 

Baguirmi et l’esclavage 

Avec la demande d’êtres humains mis en esclavage par les Arabes et les Européens, Baguirmi va sans cesse mener des raids contre les populations vitalistes. Les locaux islamisés étaient épargnés. La très puissante cavalerie va être mise au service de cette activité infame, déstabilisant gravement des régions.  

Encore une fois, on voit ici un royaume africain qui a participé de son gré à la traite, contrairement à tous ceux, une douzaine au moins, qui s’y sont opposés aux 16e et 17e siècles, et que l’empire portugais, au terme de 160 ans de guerre et de violence considérable, avait anéantis. 

Ce commerce ainsi que celui d’autres produits exportés vont faire de Baguirmi, bien que vassal du Bornou, un royaume hégémonique et prospère. Nombre de peuples verseront tributs à Massenya en signe d’allégeance.  

La fin

En 1809 l’empire du Wadai attaque le Baguirmi. Le Mbang Gaurang accepte la défaite. Wadai enlève nombre d’artisans baguirmi pour profiter de leurs compétences sur son propre territoire. Dès lors, Messanya va être vassal de Wadai et Bornou. Il devra verser tribut aux deux puissances.

Les cavaliers du Wadai

De sa position géographique entre les deux empires rivaux, Baguirmi va subir des attaques quasi-permanentes et va être mis à sac régulièrement. A cette grave instabilité, viendra s’ajouter les agressions des Arabes en 1887, qui prendront des Baguirmi et les déporteront pour l’esclavage. Le rigorisme des prédicateurs musulmans baguirmi va faire fuir nombre de citoyens restés fidèles au Vitalisme. 

Après 90 années de guerre, c’est un Etat à l’agonie qui va demander à devenir un protectorat français en 1897, sous le Mbang Gaourang.

Mbang Gaourang en procession
Musée du Quai Branly

Le Baguirmi est dissous dans la république du Tchad indépendant en 1960. La royauté baguirmi existe toujours, même si le Mbang n’a plus que des pouvoirs limités. 

Hotep ! 

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama) 

Notes :

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