Amy A. Garvey et Amy J. Garvey : les leaders panafricanistes et épouses de Marcus Garvey

Contrairement à ce qui est généralement pensé sur le continent noir, le combat pour libérer l’Afrique colonisée n’a pas commencé réellement en 1945 avec les pères des indépendances. De 1900 à 1945, ce sont les Africains des Amériques qui ont mené le combat, avec la création du panafricanisme et de ses structures.

La plus grande figure de cette phase fondatrice de notre libération, est incontestablement le jamaïcain Marcus Garvey avec son mouvement UNIA. A la tête de cette organisation et même après, deux femmes en particulier ont brillé : Amy Ashwood Garvey et Amy Jacques Garvey. C’est d’elles dont nous allons vous parler.

Amy Ashwood et Amy Jacques

Amy Ashwood nait en Jamaïque en 1897. Elle est issue d’une famille avec des origines dans la nation Dwaben du royaume Ashanti, au Ghana actuel. Les circonstances de son adhésion au panafricanisme ne sont pas bien connues. Elle a 17 ans quand elle rencontre Marcus Garvey, et co-fonde avec lui l’UNIA à Kingston en Jamaïque, en 1914. Elle investit son propre argent pour bâtir le mouvement.

En 1918, Amy Ashwood se rend aux Etats-Unis pour développer l’UNIA qui a pour but la libération de l’Afrique, et l’union de tous les Noirs dans un Etat africain unique. Editrice du journal The Negro World, elle le vend porte à porte alors que l’UNIA est encore peu connu. Elle prend le rôle de secrétaire général et épouse Marcus Garvey en 1919.

Amy Ashwood dira à propos de la naissance de l’UNIA « Notre amour (à Marcus et moi) commun pour l’Afrique et notre préoccupation pour le bien-être de notre race nous a poussés à l’action immédiate. Ensemble nous avons parlé de la possibilité de former une organisation au service des besoins de tous les peuples d’origine africaine ».

Aux Etats-Unis, l’UNIA suscite l’adhésion de millions d’Africains-Américains et le projet de retour en Afrique est matérialisé par la célèbre compagnie maritime Black Star Line, qu’Amy Ashwood Garvey dirige. Elle fonde aussi des sections de femmes au sein du mouvement. Elle pose les fondations de ce qui sera le corps des infirmières de la Croix Noire.

Dans une note secrète, le FBI dira d’Amy Ashwood qu’elle est « la principale assistante de Marcus Garvey, une sorte de patron manager ». Quand Garvey est brièvement arrêté en 1919, le FBI la considère comme un des dirigeants de l’UNIA.

En 1922, Marcus Garvey divorce d’Amy Ashwood au cours d’une séparation pleine de conflits. Il épouse sa propre secrétaire privée Amy Jacques.

Née en 1895 à la Jamaïque au sein de la bourgeoisie noire et métisse, Amy Jacques est une élève brillante, employée par la suite dans un cabinet d’avocats. Comme beaucoup d’Africains de la Jamaïque de l’époque, elle est préoccupée par l’occupation coloniale de l’Afrique et se lie d’amitié avec Amy Ashwood. Partie pour les Etats-Unis en 1918, elle adhère au Garveyisme après un discours enflammé de Marcus Garvey et devient sa secrétaire, avant leur mariage en 1922.

Amy Jacques à gauche, Marcus Garvey à droite, et Henrietta Winston Davis, cadre aussi de l’UNIA, au milieu.
Photo prise lors d’un rassemblement du mouvement aux Etats-Unis

Amy Ashwood pour sa part, après le divorce, va vivre à Londres avec son aura d’héroïne du panafricanisme. Elle co-fonde le mouvement estudiantin Nigerian Progress Union et prend le rôle de matriarche des étudiants nigérians au Royaume Uni, en lutte pour la fin de la colonisation. Elle hérite du nom yoruba d’Iyalode (la mère est venue).

Après le départ d’Amy Ashwood de l’UNIA, Amy Jacques s’élève peu à peu comme cadre majeur du mouvement. Son travail le plus remarquable est l’édition et la publication de Philosophy and Opinions of Marcus Garvey, livre qui rassemble les discours du dirigeant panafricaniste et demeure aujourd’hui le livre référence sur sa pensée. Amy Jacques aide Marcus Garvey à écrire ses discours et résume les informations des journaux pour ce faire. Elle devient haut-secrétaire de la Negro Factory Corporations, le groupe d’entreprises de l’UNIA, qui emploie des milliers de Noirs.

Oratrice talentueuse et demandée, elle donne aussi des discours vifs et soulève les foules. Quand Marcus Garvey est emprisonné en 1925 à la suite d’un complot du gouvernement américain, c’est avec la profonde connaissance des dossiers, qu’Amy Jacques prend valablement les commandes de l’UNIA, et de ses 6 millions de membres.

Elle fait le tour des Etats-Unis pour promouvoir la pensée de Marcus Garvey et lutter pour sa libération. Elle maintient la structure de l’UNIA et coordonne les activités de son leadership. Elle fait collecter de l’argent pour assurer la défense de Marcus Garvey. Elle publie notamment le 2e volume de Philosophy and Opinions afin de propager ses idées.

Quand Marcus Garvey est expulsé vers la Jamaïque en 1927, Amy Jacques rentre avec lui. Ils auront deux enfants, Marcus Jr et Julius. Amy Ashwood quant à elle, retournée à New York après son séjour à Londres, entame des activités dans la musique et le théâtre. En Jamaïque, elle se distingue par un projet féministe et d’indépendance vis-à-vis de la Grande Bretagne.

Amy Ashwood Garvey dans son Kente qu’elle portait très régulièrement, pour souligner son identité Akan, groupe auquel appartiennent les Ashanti

De nouveau à Londres dès 1934, l’activisme d’Amy Ashwood devient prolifique. Elle fonde un club de jazz-restaurant pour la jeunesse intellectuelle noire, l’International African Friends of Abyssinia pour lutter contre l’occupation italienne de l’Ethiopie, puis l’International African Service Bureau.

En 1940, Marcus Garvey meurt. Ses deux épouses sont présentes à ses funérailles.

A Londres, Amy Ashwood s’associe au panafricaniste trinidadien George Padmore, à Jomo Kenyatta, futur premier président du Kenya, et au garveyiste Kwame Nkrumah, futur premier président du Ghana et champion de l’unité africaine.

L’oeuvre d’Amy Ashwood culmine dans la co-organisation du 5e congrès panafricaniste de Manchester en 1945. C’est le plus grand tournant de la lutte, le flambeau de la libération est passé aux Africains continentaux. Amy Ashwood est avec la jamaïcaine Alma La Badie, la seule femme à diriger des séances du congrès. 

Amy Ashwood Garvey siégeant lors de la conférence de Manchester. Cet évènement trop peu connu en Afrique, est pourtant celui qui a lancé une bonne fois pour toutes les luttes pour la fin de la colonisation. Les Africains des Amériques y ont passé le flambeau du combat aux Africains continentaux.

Amy Jacques de son côté continue ses activités politiques pour la libération de l’Afrique. Elle rédige en 1944 A Memorandum correlative to Africa, West Indies and the Americas, un document guide pour l’avancement des Noirs partout, et convainc l’ONU de l’adopter comme charte pour la libération de l’Afrique.

Amy Jacques

Amy Ashwood se rend en pèlerinage dans son pays ancestral Ashanti où elle rencontre le roi Prempeh II. Elle y est baptisée Akosu Boahemaa. Elle s’en va vivre au Libéria, puis à Londres encore où elle fonde d’autres associations, et fait le tour de la Caraïbe pour promouvoir l’avancement des Africains des Amériques.

Les deux femmes verront de leur vivant, un aboutissement de la lutte de leurs vies, avec la fin de la colonisation de l’Afrique.

Amy Jacques est invitée au Nigéria en 1963 par Nnamdi Azikiwe, garveyiste, présent à la conférence de Manchester et premier président du pays. Elle publie son propre livre Garvey and Garveyism et le 3e volume de Philosophy and Opinions.

Amy Ashwood Garvey s’éteint en 1969 à Kingston en Jamaïque. Amy Jacques Garvey 4 ans plus tard dans la même ville. 

Gloire aux ancêtres méritantes…

La voix engagée d’Amy Jacques Garvey, critiquant le caractère néocolonial des autorités jamaïcaines :

Pour en savoir plus sur Marcus Garvey, cliquez ici

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • The first Mrs Garvey: Pan-Africanism and feminism in the early 20th century British colonial rule, Roda Reddock
  • Black Past
  • pbs.org
  • Wikipedia
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