La civilisation Garamante du Sahara central

Il y a 2500 ans, au cœur du désert en Libye et au Niger actuels, et sur un territoire aussi grand que la République Centrafricaine, l’ancien peuple Garamante posait les bases d’une civilisation avancée, et probablement la moins connue des civilisations africaines.

Ruines de Jerma ou Garma, ancienne capitale des Garamantes, aujourd’hui au sud-ouest de la Libye
Une femme touareg de Libye
Les Touaregs sont considérés comme les principaux descendants des Garamantes

Aux origines  

Le Sahara, la plus grande étendue désertique du monde, a été autrefois une aire vivante et pleine de végétation. La présence de l’humanité y est ainsi très ancienne. Il y a 70 000 ans, la sècheresse transforme la région en une zone aride qui va durer près de 60 000 ans.

A la fin de l’ère glaciaire, les pluies comme par miracle arrivent enfin, et redonnent, il y a 10 000 ans, vie à la région. Une partie de nos ancêtres revient dans ce qui est désormais une savane.  

Ainsi, jusqu’à il y a 5000 ans la verdure, les animaux et des cultures élaborées vont foisonner dans le Sahara. Une de ces cultures développera pour la première fois de l’histoire la momification, datée d’il y a 9500 ans. Ces cultures, combinées à celles originaires des Grands Lacs Africains, engendreront la civilisation pharaonique en Nubie et en Égypte.  

Quand la sècheresse s’abat de nouveau et le sable étouffe la vie il y a 5000 ans, les populations migrent dans toutes les directions. Celles qui restent se concentrent autour des points d’eau. C’est une de ces populations noires berbères du désert, il y a 2500 ans, qui va donner naissance à la civilisation Garamante. 

Une civilisation noire 

Vu la popularisation de l’expression coloniale Afrique subsaharienne, sous-entendant que le monde noir ne commence qu’au sud du Sahara, il est important de démontrer que les Garamantes étaient des Noirs comme la majorité de la population du Sahara jusqu’à nos jours, et la totalité de la population de l’Afrique ancienne. 

Mosaique romaine du 3e siècle de l’ère occidentale, représentant supposément les Garamantes (Uthina, Tunisie)

A propos des Garamantes, l’historien africain-américain Frank M Snowden nous dit dans Before Color Prejudice : The Ancient View of Blacks, page 9 “Très foncés de peau, ces Africains du nord-ouest (du continent) sont décrits par Lucan comme brulés par le soleil (perusti), par Anorbius comme furvi (noir/basané) et par Ptolémée comme modérément noirs”.

Les Romains, souvent en guerre contre les Garamantes et qui avaient développé de la haine contre cet ennemi, pouvaient traiter n’importe quel Noir mis en esclavage de “fumier garamante” [1].  

Le Pr David Mattingley, qui est une référence sur la civilisation Garamante, nous dit aussi que les Romains décrivaient bien ce peuple comme noir [1] et ajoute que c’était un royaume africain indigène [2].  

Peter Beaumont, dans un article du Guardian, précise que cette civilisation était noire et africaine [3]. Les études des ossements des Garamantes ont ainsi montré une ressemblance la plus proche avec les Africains plus au sud du continent [4]. Il y a peut-être eu une minorité de citoyens clairs de peau dans l’empire Garamante mais c’était bel et bien une civilisation noire. 

“Une très grande nation” 

Il y a 2500 ans, des habitats de terre enfermés dans de grandes murailles apparaissent d’abord. Les Garamantes font de l’élevage, sont une puissance commerciale et possèdent une armée avancée dont les chars soumettent les peuples voisins. La réputation de ce royaume guerrier des sables arrive jusqu’en Méditerranée. Hérodote note déjà qu’il s’agit “d’une très grande nation”. 

Peinture représentant un char à 2 roues tirés par des chevaux
Région des Garamantes, Libye
Photo du British Museum

Comment cette culture a-t-elle pu émerger dans un milieu aussi aride que le Sahara, loin de tout cours d’eau et sans pluie ? C’est là sa principale prouesse : les Garamantes ont creusé des mines d’eau. 

Une agriculture florissante en plein désert 

Les pluies anciennes dans le Sahara avaient formé d’énormes dépôts d’eaux sous-terraines appelées aquifères. Autour de la capitale Jerma, elles se trouvaient dans les reliefs élevés. Les Garamantes ont donc creusé la pierre pour y accéder et faire couler, par des systèmes ingénieux appelés Foggara dans les langues berbères, l’eau pour irriguer leurs champs de mil, de sorgho, d’orge, de blé, de coton, et faire pousser les olives, les dattes. Ces techniques d’exploitation des aquifères étaient copiées des Égyptiens.  

L’eau s’écoulait par le Qanat pour irriguer la ville
On atteignait le tunnel par des accès verticaux
World Archeology

Près de 600 tunnels longs de plusieurs km ont été retrouvés. Les puits d’accès verticaux sont au nombre de près de 100 000 et leur profondeur atteint 40 m. Ce travail de titan s’est fait à un cout humain terrible. Et c’est là l’aspect le plus lamentable de cette culture : 

Une civilisation esclavagiste 

Montée sur ses chars, la puissante armée garamante menait des raids pour capturer les populations voisines et les mettre en esclavage dans de dures conditions. Cette activité infâme durera des siècles. Les Garamantes vendaient même leurs esclaves aux Romains. Ce sont ces populations mises en esclavage qui ont creusé et fait le lourd travail d’entretien des Foggara, sur lesquelles s’est basé l’épanouissement de cette civilisation.  

Ces faits pour une civilisation africaine de la basse antiquité sont à notre connaissance unique. Une telle pratique n’a pas existé en Egypte, civilisation qui n’a jamais été esclavagiste. Et cette dure mise en servitude n’a pas existé en Nubie ou dans l’empire de Wagadou (ancien Ghana).  

Par l’exploitation de ses ressources naturelles avec l’esclavage et par des apports techniques venant d’Égypte et de Nubie, l’empire Garamante a ainsi ouvert sa phase d’apogée il y a 2000 ans. 

L’architecture, le commerce et les connaissances 

Les Garamantes commencent à cette époque à construire des édifices monumentaux en pierre de taille. Les bâtiments, ressemblant aux ouvrages pharaoniques, ont des escaliers et de hautes colonnes. Le plus grand de tous était un temple grandiose, dédié au Dieu unique de l’Afrique Imana/Amon/Amen. La civilisation Garamante était vitaliste (animiste) comme toute l’Afrique authentique, et matriarcale si on se base sur le témoignage d’Ibn Battouta sur les Touaregs au 14e siècle.  

Jerma

Les maisons de l’élite étaient de grandes demeures en dur faites de plusieurs pièces. Jerma a même possédé un bain de type romain. Le peuple vivait dans des habitats colorés et en terre, possédant aussi des colonnes et souvent un puits à l’intérieur. 

Les fortifications en dur se développaient aussi. Certains murs, malgré l’érosion depuis des siècles, se tiennent toujours debout aujourd’hui et sont encore hauts de 4 mètres. Les tombes des puissants étaient des chambres funéraires avec des colonnes, ou des structures pyramidales.  

Tombes garamantes, Jarma
Photo : Sharpshooters /VW Pics/Universal Images Group via Getty Images

L’empire comptait au moins 8 grandes villes et des centaines de villages. Mis à part Jerma, un autre lieu fort semble avoir été la ville de Djado au Niger actuel. 

Vestiges de l’oasis de Djado au nord du Niger. Il y a des spéculations depuis longtemps pour savoir qui a construit cette ville fortifiée. Si le peuple Kanuri vit aujourd’hui dans la région, on s’accorde à dire que ce n’est pas lui qui en est l’auteur. A première vue, les constructions ressemblent à celles des Garamantes et se trouvent dans leur zone d’influence. Djado était donc selon toute probabilité un autre lieu fort de cette civilisation. 
Djado

Les Berbères construisaient donc des villes fortifiées dont le concept est d’origine égyptienne. C’est bien pourquoi c’est eux, sous la civilisation noire berbère dite Maure en Espagne-Portugal, qui introduiront les châteaux-forts en Europe au Moyen-Age. 

Carrefour commercial, l’empire Garamante possédait des caravanes longues de centaines de chameaux, pour échanger avec le reste de l’Afrique et les territoires romains plus au nord du continent. Ses produits agricoles, métallurgiques, ses textiles de haute qualité et ses esclaves étaient vendus contre des biens de luxe. Tout cela allait faire des Garamantes un empire très riche. 

Les Garamantes possédaient également une écriture, qui est d’origine égyptienne comme la grande majorité des autres écritures en Afrique
Les Garamantes avaient également une médecine avancée
Ils opéraient avec succès le cerveau, ce qui est attesté par l’examen de crânes comme celui-ci
Source : Nikita E. et al, Evidence of Trephinations among the Garamantes, a Late Holocene Saharan Population, 2013, ResearchGate

Le déclin  

Au 4e siècle, l’empire romain d’Occident s’effondre et les Garamantes perdent ainsi leur principal partenaire commercial. Le pays s’affaiblit économiquement et très probablement les aquifères, après des siècles d’exploitation, se vident. L’eau devient rare. Le désert regagne donc ses droits et le déclin se généralise. Les Arabes prendront la région après leur entrée en Afrique au 7e siècle. 

Hotep ! 

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama) 

Notes : 

  • Garama, an ancient civilization in the central Sahara, World Archeology, 2005, https://www.world-archaeology.com/features/garamantes-libya/ 
  • Fall of Gaddafi opens a new era for the Sahara’s lost civilization, Peter Beaumont, The Guardian, 2011, https://www.theguardian.com/world/2011/nov/05/gaddafi-sahara-lost-civilisation-garamantes 
  • Saharan peoples and societies, E. Ann McDougall, Oxford Research Encyclopedias, 2019 
  • « Loss » fortresses of Sahara revealed by satellites, James Owen, National Geographic, 2011, https://www.nationalgeographic.com/science/article/111111-sahara-libya-lost-civilization-science-satellites 
  • [1] Garama, an ancient civilization in the central Sahara, World Archeology, 2005, https://www.world-archaeology.com/features/garamantes-libya/ 
  • [2] « Loss » fortresses of Sahara revealed by satellites, James Owen, National Geographic, 2011, https://www.nationalgeographic.com/science/article/111111-sahara-libya-lost-civilization-science-satellites 
  • [3] Fall of Gaddafi opens a new era for the Sahara’s lost civilization, Peter Beaumont, The Guardian, 2011, https://www.theguardian.com/world/2011/nov/05/gaddafi-sahara-lost-civilisation-garamantes 
  • [4] Human skeletal remains, E. Nikita et al, Research Gate, 2007
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