La circoncision et l’excision en Afrique : origine et fondements

La circoncision et l’excision sont des pratiques qui existent dans la tradition africaine. Ces pratiques sont souvent décriées et critiquées, notamment en ce qui concerne la circoncision des femmes appelée couramment excision. Mais quelles sont les raisons de leur existence? Ces pratiques sont-elles endogènes à l’Afrique  ou viennent-elles d’ailleurs?

Tout d’abord il faut savoir que la circoncision et l’excision, ne sont pas des coutumes qui viennent d’ailleurs. Ce sont des pratiques qui sont nées en Afrique et qui ne s’expliquent que du point de vue de la cosmogonie et de la pensée africaine.

La circoncision par exemple est attestée depuis la plus haute antiquité dans la vallée du Nil. Il semble qu’elle a existé même déjà depuis la préhistoire. C’est ce que Cheikh Anta Diop nous confirme dans Nations Nègres et Culture, page 206, lorsqu’il nous dit que : « les Egyptiens étaient circoncis dès la préhistoire ».

Scène de circoncision dans la tombe d’ Ankhmahor, premier ministre (Djati) du pharaon Teti, 6ème Dynastie égyptienne

Le corollaire de la circoncision chez les hommes est l’excision chez les femmes. L’excision est donc la circoncision féminine. 

Quelles sont les raisons de ces pratiques ?

Les raisons de ces pratiques sont liées à l’androgynie du Créateur. Rappelons que pour nos ancêtres, Dieu est un être androgyne, c’est-à-dire qu’Il-Elle possède la double nature (mâle et femelle). Et c’est ce qui lui permet de créer des êtres mâle et femelle.

Et puisque dans la pensée africaine l’être humain est un être divin car issu de Dieu,  l’être humain posséde physiquement et spirituellement comme le Créateur-la Créatrice cette nature androgyne (mâle et femelle).

Amon Mout
Le symbolisme de la double nature mâle et femelle de Dieu. Dans la vision africaine remontant à l’antiquité pharaonique, l’être humain est une image du Dieu, et possède par conséquent (dans une mesure moindre) tout ce que le créateur possède, y compris la nature mâle et femelle. (Image : Dieu en Egypte sous sa forme féminine (Amenata) et masculine (Imana/Amen))

Le mariage dans la tradition, on le rappelle, est la fusion du principe mâle et du principe femelle dans le but de ne faire qu’un seul corps et reproduire la nature de Dieu. L’homme et la femme étant réunis en un corps divin par le mariage, alors comme Dieu, ils peuvent créer des êtres humains. 

Mais le fait que les sexes ne soient pas clairement distingués à cause de l’androgynie de chaque Etre humain, le mariage n’aura pas lieu et la création s’arrêtera. Alors nos ancêtres ont décidé, d’après leur perception, de retirer à l’homme ce qu’il a de féminin, et à la femme ce qu’elle a de masculin. Ainsi on aura réellement des hommes et des femmes qui pourront se compléter et continuer la création. C’est comme ça que la circoncision et l’excision sont nées.  

Ces deux pratiques puisqu’elles étaient liées au Créateur et aux conceptions spirituelles, étaient considérées comme sacrées par nos ancêtres et faisaient donc partie des rites initiatiques. Ainsi tous les initiés en Afrique étaient circoncis. 

Si donc comme nous l’a dit Cheikh Anta Diop dans Nations Nègres et Culture, page 206, que : « les Égyptiens étaient circoncis dès la préhistoire », ça signifie que l’excision aussi existait depuis la préhistoire sur le continent, étant donné que ces deux cérémonies vont de pair. L’excision se pratiquait donc aussi dans la civilisation pharaonique. C’est ce que confirme l’auteur grec Strabon, dans son livre Géographie 17, chap1, 29, lorsqu’il dit que : « les Égyptiens observent surtout avec le plus grand soin d’élever tous les enfants qui leur naissent et de circoncire les garçons et même les filles,.. »

La circoncision et l’excision sont donc liées. Cheikh Anta Diop aussi confirme cela dans Nations Nègres et Culture, page 208 où il dit : « la circoncision ne trouve une interprétation intégrée dans une explication générale de l’Univers, c’est-à-dire une cosmogonie, que chez les Nègres.

En particulier la cosmogonie Dogon (Mali) que rapporte Marcel Griaule dans Dieu d’eau, nous apprend que la circoncision pour avoir tout son sens, doit être accompagnée de l’excision : ces deux opérations ayant pour but de retirer à l’homme ce qu’il a de femelle et a la femme ce qu’elle a de mâle. Une telle opération, dans la mentalité archaïque vise à faire triompher les caractères d’un des sexes chez un être donné. Selon la cosmogonie Dogon, l’être qui vient au monde est dans une certaine mesure androgyne comme le premier dieu.»

Adolescent Xhosa d'Afrique du Sud au cours du rite d'initiation par la circoncision
Adolescents Xhosa d’Afrique du Sud au cours de l’Ulwaluko. Ulwaluko est un rite d’initiation à l’age adulte, qui comprend la circoncision

La circoncision et l’excision sont donc des coutumes très anciennes en Afrique, et sont liées à l’idée de l’androgynie divine (la nature mâle et femelle) de Dieu. Si l’idée de l’androgynie divine n’existe pas il ne peut y avoir d’excision ou de circoncision car cela serait un non-sens.

Origine non-africaine ?

Voilà pourquoi ces coutumes ne viennent à l’origine pas des peuples sémitiques (juifs, arabes,) puisque ces peuples patriarcaux (même malgré le fait qu’ils sont venus apprendre le monothéisme chez nos ancêtres de la vallée du Nil) ne possèdent tout de même pas l’idée d’un Dieu androgyne, mais plutôt l’idée d’un Dieu qui est essentiellement masculin, c’est-à-dire, le « père tout puissant » (Yahvé, Allah). Ça signifie que ces peuples ne peuvent pas donner une explication logique, correcte et censée de la circoncision ou de l’excision du point de vue de leurs traditions.

Cheikh Anta Diop poursuit dans Nations Nègres et Culture page 207, en disant : « nous comprenons ainsi pourquoi les Sémites pratiquent la circoncision sans que leurs traditions en donnent une justification valable. La faiblesse des arguments avancés dans la Genèse (livre biblique) est caractéristique a cet égard : Dieu demandera, a Abraham, comme à Moise de se circoncire en signe d’alliance avec lui, sans qu’on sache ce qui peut, dans la circoncision considérée du point de vue de la tradition juive même, conduire à l’idée d’une alliance.

Le fait est autant plus étrange qu’Abraham serait âgé de 90 ans au moment où il fut circoncis…..Ce qu’on pourrait retenir par-delà les détails légendaires, c’est l’idée que la circoncision n’a été introduite chez les « Sémites » que par suite d’un contact avec le monde noir… ».

Les peuples Indo-européens eux aussi venus s’instruire sur les bords du Nil, mais patriarcaux eux aussi avec leur Dieu uniquement masculin, père tout puissant (Zeus, Jupiter, etc..) ne peuvent pas donner une explication logique, correcte et censée de la circoncision ou de l’excision du point de vue de leurs traditions.

La circoncision et l’excision ne sont donc pas des pratiques d’origines sémitiques ou eurasiatiques à l’origine, comme le disent ou l’imaginent certains. Mais des coutumes d’origine noire que les Africains ont transmises aux autres peuples qu’ils ont eu à civiliser au cours de l’histoire. 

Ces peuples ayant repris ces coutumes mais peinant a les expliquer, cela a donné lieu a toutes sortes d’interprétations douteuses (domination de la femme par l’homme, diminution du plaisir, sauvagerie, etc..), de dérapages dans la symbolique,  de stéréotypes qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. 

De jeunes femmes Maasaï du Kenya pendant l'Etondo. Etondo est un rite d'initiation à l'âge adulte qui comprend l'excision. L'excision est également documentée chez des peuples vitalistes (animistes) de Centrafrique. Ils lui donnent la même justification que celle des Egyptiens anciens. Elle a été, d'après le chercheur et linguiste centrafricain Jean- Claude Mboli, interdite par le président Bokassa. On trouve encore l'excision chez des peuples vitalistes de Sierra Léone. Tout cela confirme que c'est bien une pratique africaine.   Photo de Thomas Mukoya pour Reuters
De jeunes femmes Maasaï du Kenya pendant l’Etondo. Etondo est un rite d’initiation à l’âge adulte qui comprend l’excision. 
Photo de Thomas Mukoya pour Reuters

L’excision est également documentée chez des peuples vitalistes (animistes) de Centrafrique. Ils lui donnent la même justification que celle des Egyptiens anciens. Elle a été, d’après le chercheur et linguiste centrafricain Jean-Claude Mboli, interdite par le président Bokassa. On trouve encore l’excision chez des peuples vitalistes de Sierra Léone. Des peuples d’Ouganda considèrent l’excision comme équivalent à la circoncision.

Tout cela confirme que c’est bien une pratique africaine et montre que les exciseuses traditionnelles n’ont pas pour but, à l’origine, de faire mal à la fille, pas plus qu’on ne cherche à faire mal au garçon quand il est circoncis. On peut donc tout à fait très fortement critiquer l’excision et ses conséquences sur la santé, sans pour autant faire passer, par ignorance, les Africains pour des sauvages mysogines mutilateurs de femmes.

Et aujourd’hui ?

Ces coutumes (circoncision et excision) ont connus des destins divers au fil du temps et de l’histoire. La circoncision a résisté au temps et est encore un rite très apprécié que subissent la plupart des garçons d’origine africaine. A l’esthétisme valorisé d’un pénis circoncis, est venu s’ajouter ces dernières années une protection contre le VIH.

Quant à l’excision, elle pose de graves problèmes esthétiques, psychologiques et en terme d’épanouissement sexuel. Cette pratique fut progressivement abandonnée un peu partout y compris en Afrique même, mais est encore très présente, notamment dans les pays africains islamisés. Cela  laisse à penser que cette excision actuelle serait peut-être majoritairement due au fait des pratiques d’excision rapportées par les Arabes en Afrique.

Aujourd’hui très critiquée et rejetée, l’excision comme le veulent les Africaines seules souveraines sur cette question, est donc absolument amenée à disparaitre. 

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • Cheikh Anta Diop, Nations Nègres et Culture
  • Strabon, Géographie
  • Marcel Griaule, Dieu d’eau
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