Les systèmes d’écriture en Afrique

L’école néocoloniale a appris et continue à apprendre aux Africains que l’oralité est le seul moyen par lequel leurs ancêtres transmettaient savoir et mémoire. En réalité non seulement ce sont les Noirs qui ont offert l’écriture à l’humanité, mais qui plus est, des formes d’écriture autochtones ont existé sur le continent depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. C’est ce que nous verrons dans cet article…

Au préalable, nous invitons la lectrice et le lecteur à se documenter sur l’origine africaine de l’écriture et comment cette écriture née dans la Vallée du Nil, a donné naissance à l’écriture en Asie de l’ouest, en Europe et en Amérique.

Les premiers signes attestés de l’écriture dans l’histoire de l’humanité, Egypte antique, -3400 [1]. Les hiéroglyphes furent créés pour faire parler l’Univers et la nature, considérés par les Africains comme la parole de Dieu. C’est pourquoi le véritable nom des hiéroglyphes est Medou Ntjer, c’est-à-dire La Parole (Medou) de Dieu/Seigneur (Ntjer). Ainsi ses signes sont des éléments de la nature et du cosmos.

Une des remarques qu’il faut faire pour commencer est que dans de très nombreuses langues africaines, il existe des mots parfaitement endogènes pour désigner le fait de lire et d’écrire. Exemple :

Swahili : lire = kusoma; ecrire = kwandika

Lingala : lire = kotanga; ecrire = kokoma     

Bambara : lire = kalan; écrire = sèbè

Peul : lire = djangougol; écrire = windougol  

On voit donc qu’il existe en Afrique des mots sans influence arabe ou européenne qui désignent le fait de lire et d’écrire. Or, comment les Africains font-ils pour avoir des mots pour signifier le fait de lire et d’écrire s’ils ne lisaient pas et n’écrivaient pas ? Cette simple étude linguistique permet d’affirmer sans l’ombre d’un doute que la lecture et l’écriture étaient connues en Afrique hors du cadre des influences extérieures. Nous allons passer en revue les systèmes d’écriture connus sur le continent.

  • 1) L’écriture Bamoun, Cameroun
Text written in Shumom (Bamon writing), dated from the 1920’s.
Texte écrit en Shumom (écriture Bamoun), datant des années 1920.

Des archives d’un volume considérable du royaume Bamoun et écrites en « Shumom » sont consultables dans les musées du Cameroun aujourd’hui. L’écriture Bamoun était tellement vivace que le savant Njoya l’utilisait pour ses bandes déssinés.

Le problème avec le Shumom est qu’on nous dit que c’est le roi Njoya qui a vécu au tournant du 20e siècle, qui l’aurait inventé. L’idée de l’écriture lui serait venue du contact avec des lettrés peuls et haoussa d’expression arabe, et le Shumon lui serait par conséquent apparu en rêve. Or Diedrich Westerman, repris par Cheikh Anta Diop, identifie 7 signes communs entre l’écriture égyptienne et l’écriture Bamoun. Par conséquent, Njoya n’a pas inventé cette écriture, mais il l’a bel et bien développée.

Les Bamoun étant descendants d’égyptiens, c’est donc probablement l’écriture de leurs ancêtres qui s’est perpétuée depuis la vallée du Nil jusqu’aux rives du fleuve Noun. 

Comic written in Shumom by the Bamun savant Johanes Yerima (also called Ibrahim Njoya) during the 1910’s.
Bande déssinée en Shumon, faite par le savant Bamoun Yohanes Yerima, encore appellé Ibrahim Njoya; Années 1910.
  • 2) L’écriture Mendé, Sierra Léone

Il s’agit d’une écriture de 212 signes. D’après l’histoire officielle elle se serait révélée en rêve à un tailleur mandingue du nom de Kisimi Kamara en 1921. Ici encore, Westerman a mis à jour 15 signes communs avec l’égyptien ancien. Kisimi Kamara n’a donc rien inventé, l’écriture mende descend de l’écriture égyptienne et elle était en Sierra Léone de tout temps.

Common signs between Mende and ancient Egyptian
Signes communs entre l’écriture Mende et l’Egyptien hiéroglyphique 
  • 3) L’écriture Bété, Côte d’Ivoire

Il est avancé ce serait l’homme de savoir Bruly Bouabré qui serait l’inventeur de l’écriture Bété. Il aurait lui seul inventé, en 1948, 448 signes syllabiques pour sa langue au point de les utiliser pour écrire des contes. L’écriture ci dessous est pictographique, c’est à dire qu’elle repose sur des figures. Une étude plus approfondie trouvera à n’en pas douter d’autres signes communs avec les écritures d’Afrique.

Si Bruly Bouabré a probablement développé cette écriture, il n’en n’était peut-être pas l’inventeur originel. Il était un initié des sociétés secrètes africaines où on lui a certainement appris les bases de l’écriture de ses ancêtres. 

The initiated man Bruly Bouabré who popularized the Bété writing
L’initié ivoirien Bruly Bouabré, qui popularisa l’écriture Bété
  • 4) Le Ge’ez, Ethiopie

Voilà probablement la seule écriture d’Afrique qui reste très utilisée et très vivante jusqu’à nos jours. Le Ge’ez éxistait avant le début de l’ère chrétienne. Aujourd’hui il s’affiche absolument partout dans le pays d’Hailé Selassié, y compris sur les avions d’Ethiopian Airlines. 

Ge’ez writing on the planes of Ethiopian Airlines
L’écriture Ge’ez sur les avions d’Ethiopian Airlines
  • 5) L’écriture Nsibidi, Nigéria-Cameroun

A propos de cette écriture, le chercheur P.A. Talbot nous dit « l’écriture nsibidi est certainement d’une antiquité considérable, et est dans une large mesure, pictographique » [3]. La dizaine de signes communs entre le Nsidibi et l’égyptien ancien, et trouvés part Theophile Obenga, pousse également à chercher son origine dans la vallée du Nil.

Common signs between ancient Egyptian and Nsidibi
Signes communs entre le Nsidibi et l’égyptien ancien
  • 6) L’écriture Gicandi, Kenya

Elle fut pour la première fois signalée en 1921. Elle est l’œuvre du peuple Kikuyu, qui constitue le peuple le plus important du Kenya en nombre. On a pu identifier trois signes communs entre le Gicandi et l’égyptien ancien. 

  • 7) Le Lybico-Berbère
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  •  Inscription libyque à Foum Chenna, Tinzouline, Province de Zagora, Maroc
    Inscription libyque à Foum Chenna, Tinzouline, Province de Zagora, Maroc
  • Née il y a près de 2000 ans au Maghreb probablement, et développée par les premiers Berbères encore appelés Maures (c’est-à-dire les Noirs en latin), cette écriture prend ses racines également dans les écritures égyptienne et phénicienne. Elle a enfanté l’écriture Tifinagh des Berbères actuels. 
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  • 8) Les autres systèmes d’écriture en Afrique
Writings: Vaï, Mende, from Sierra Leone; Loma, Kpelle, Bassa from Liberia; Bamoun, from Cameroon; Oberi Okaime, from Nigeria; Djuka, Surinam (slaves descendants); Mandinka, from West Africa; Wolof, from Senegal; Fula (Pulaar), from West Africa; Bété, from Ivory Coast. Sources: Histoire Générale de l’Afrique, volume 1, Chapitre 10 (General History of Africa, Volume 1, chapter 10), Pathe Diagne, pages 280-286.
Les systèmes d’écriture : Vaï et Mende de la Sierra Leone; Loma, Kpelle et Bassa du Liberia; Bamoun du Cameroon; Oberi Okaime du Nigeria; Djuka, Surinam (descendants d’Africains mis en esclavage); Mandingue d’Afrique de l’ouest ; Wolof du Senegal; Peul d’Afrique de l’ouest; Bété de Côte d’Ivoire.
Source: Histoire Générale de l’Afrique, volume 1, Chapitre 10, Pathe Diagne, pages 280-286.

Conclusion

On voit donc que non seulement l’Afrique est à l’origine de l’écriture, mais encore cette pratique est restée vivante après la fin des civilisations de la vallée du Nil. La liste des systèmes d’écriture que nous avons donnée est déjà conséquente; Il y en a sans doute bien d’autres qui ont disparu avec la destruction de l’Afrique ces 500 dernières années.

Il est aussi très intéressant de voir que bien de ces écritures prennent leurs racines dans la vallée du Nil, confirmant encore cette region comme notre berceau identitaire. Par conséquent l’Afrique n’a pas seulement une tradition orale, mais aussi une tradition écrite. 

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

    • [1] Et l’Afrique offrit Dieu à l’humanité, par African History-Histoire Africaine
    • [2] L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop, page 179
    • [3] Nations Nègres et Culture, Cheikh Anta Diop, page 392
    • [4] Afrique noire, démographie, sol et histoire; Louise Marie-Diop-Maes, page 172
    • [5] Idem, page 171
    • Ankhonline
    • Afrique noire, sol, démographie et histoire; Louise Marie-Diop-Maes
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