Le sens des offrandes et des sacrifices dans la tradition africaine

Si vous êtes africain ou vous intéressez à l’Afrique et sa culture, vous avez surement dû remarquer que lorsque les Africains exécutent des rites sacrés, ils font des offrandes. Ces offrandes à Dieu ou à ses formes (divinités) peuvent prendre l’aspect de nourritures qui sont offertes ou de sacrifices d’animaux qui sont offerts. Nous allons dans cet essai expliquer leurs sens.

Nous conseillons au lecteur de connaître au préalable les fondements de la Spiritualité Africaine en cliquant ici. Il convient également de connaître les fondements de la vénération des ancêtres pour mieux comprendre cet article.

Prêtres et initiés réunis pour une cérémonie

Nous rappelons qu’en Afrique, Dieu n’est pas un personnage assis dans le ciel qui donne des ordres et à qui l’homme ne fait qu’obéir et faire plaisir pour accéder au ciel comme dans les religions dites révélées.

Pour l’Africain c’est le Créateur lui-même/elle-même qui après avoir créé l’univers,  donne lui-même de son énergie divine chaque jour pour faire vivre toute la création (animaux, végétaux, êtres humains, etc…) et la maintenir. Ainsi toutes choses sont animées de l’énergie divine. Autrement dit pour l’Africain, « Dieu ne dort pas », puisqu’il-elle travaille chaque jour en envoyant de la lumière solaire, de l’énergie pour toutes les choses et tous les êtres, pour faire vivre et faire fonctionner la création.

En somme l’Africain perçoit le Créateur comme un travailleur ayant des activités et des occupations. L’être humain étant une émanation du Créateur, ceci explique que l’être humain a aussi ses activités (aller au travail, etc..) pour se maintenir, à l’image du créateur.

Et si donc nous  sommes à l’image de Dieu et que nous vibrons de la même énergie que lui-elle, ça signifie que lorsque nous travaillons, nous nous épuisons, et nous sommes fatigués et nous avons besoin de reprendre des forces, n’est-ce pas? Eh bien l’Africain pense que si Dieu pour maintenir la création envoie de l’énergie, donne la lumière, la force, fait vibrer les choses et les êtres, tout cela constitue du travail. Par conséquent le Créateur en dépensant son énergie peut lui aussi en perdre et se fatiguer.

Et si le Créateur se fatigue alors toute la création est en danger car c’est lui-elle le Créateur qui la fait vivre. L’Africain fait donc des offrandes et des sacrifices au Créateur pour qu’il se nourrisse spirituellement, afin qu’en retour cette énergie du Créateur soit toujours au point pour continuer à faire fonctionner les êtres, les choses, l’univers et le maintenir en équilibre. C’est ça le sens premier des offrandes et des sacrifices offerts à la divinité.

Le pharaon Ousiré Souti (Sethi 1er) – père de Ramsès II – faisant des offrandes à Aïssata (Isis), forme de Dieu symbolisant l’amour et la fertilité

Ainsi le geste est donc un échange de bons procédés entre l’humain et le Créateur ou ses formes (divinités). Puisque le Créateur nous donne des choses, il est donc normal que nous lui en donnions en retour, afin qu’il-elle continue à nous en donner et vice-versa.

Ces échanges de bons procédés entre l’humain et le Créateur servent aussi à résoudre des problèmes. Selon les difficultés et/ou les problèmes rencontrés au cours du cycle de l’existence, nos ancêtres pouvaient avoir recours au sacrifice ou aux offrandes en direction du monde spirituel (créateur, ancêtres, etc..) afin de résoudre un problème. C’est ça le second sens des sacrifices et des offrandes en Afrique.

Prenons l’exemple d’une femme qui n’arrive pas à enfanter. Elle se dira que la forme de Dieu responsable de la fertilité est affaiblie et elle la nourrira par ses offrandes pour régénérer cette énergie qui la fera tomber enceinte. De la même manière, si une personne connaît des malheurs, elle se dira que les énergies de ses ancêtres, intermédiaires entre elle et Dieu, sont affaiblies. Par ses offrandes et sacrifices, elle nourrira les ancêtres pour revigorer leurs forces, et pour qu’ils intercèdent en sa faveur auprès de Dieu.

La cérémonie vodoun du Bois Caïman en Haïti, qui fut le point de départ de la révolution, la plus grande guerre de libération de l’histoire africaine. La Mambo (prêtresse) Cécile Fatiman a dirigé la cérémonie, lors de laquelle un cochon a été sacrifié à Ogun, la forme de Dieu responsable de la guerre chez les Yoruba du Nigéria/Bénin

Les offrandes peuvent prendre deux formes :

Les offrandes de nourriture, encens, biens, etc…  et les offrandes d’êtres vivants (sacrifices d’animaux, etc…)

Concernant les sacrifices d’animaux, les animaux n’étaient pas choisis par hasard. Ils étaient choisis selon leur nature au plan spirituel (nature spirituelle pure ou impure, etc..) et selon le but du sacrifice (résoudre un problème ou revitaliser l’énergie créatrice).

Nos ancêtres pensaient cependant que la vie est sacrée et que par conséquent il ne fallait pas tuer. Quand nous parlons de tuer ici, nous parlons de tuer au sens de nuire à la vie, faire du mal, assassiner, etc…

Sacrifice du poulet lors d’une cérémonie Vaudou au Bénin actuel

Ainsi nos ancêtres ne sacrifiaient les animaux que lorsque cela leur apparaissait nécessaire. C’est un peu la même chose lorsqu’on tue des animaux pour se nourrir ou s’alimenter. Cela s’avère nécessaire. Voilà pourquoi celui qui tue un animal pour se nourrir ne se considère pas comme meurtrier. Ainsi nos ancêtres en tuant des animaux pour nourrir Dieu, ne considéraient pas qu’ils étaient en train de commettre un crime.

Des rituels de sacrifice d’animaux sont faits jusqu’à nos jours afin d’apaiser l’esprit de l’animal qui sera sacrifié. On lui fait comprendre qu’il n’est pas tué pour le plaisir, mais par nécessité.

Les religions dites révélées s’étant largement inspirées de la spiritualité africaine, elles ont repris ces pratiques d’offrandes et de sacrifices d’animaux (ex : sacrifice du mouton dans l’Islam ou de l’agneau pascal pour le Judaïsme) avec des rituels associés (rites Hallal dans l’Islam ou Cacher dans le Judaïsme). 

Il convient de dire aussi qu’en Afrique il a existé des sacrifices humains. Mais comme nous l’avons dit plus haut, nos ancêtres savaient qu’il ne fallait pas tuer. Un des 42 commandements de la Maât, le code moral de nos ancêtres recommande de ne pas tuer. Ainsi comme dans le sacrifice d’animal, nos ancêtres le faisaient si seulement, dans leur logique, cela était nécessaire. On voit bien cela dans l’histoire de la célèbre Reine Pokou qui fut obligée de sacrifier son propre fils car cela apparaissait nécessaire.

Toutefois en raison de considérations liées au totémisme et aux liens entre l’homme et l’animal, nos ancêtres ont plus souvent préféré sacrifier l’animal à la place de l’homme.

Tant que ces choses n’étaient pas faites dans le but de faire du mal, on n’était pas sur la mauvaise voie. Mais si elles étaient faites dans le but de faire du mal on était dans la sorcellerie, etc..

On voit l’emprunt lorsque dans la Bible. Abraham tente de sacrifier son propre fils puis finalement sacrifie un animal à place de son fils. L’animal prend donc la place de l’homme dans l’histoire d’Abraham.

Les chrétiens aussi commémorent le sacrifice humain du Christ, disent que le Christ s’est sacrifié, Mais l’assimilent à un animal en l’appelant l’agneau immolé ou sacrifié et mangent son corps et boivent son sang chaque dimanche, et estiment que ce sacrifice humain était nécessaire pour sauver l’humanité. La figure de l’agneau sacrifié devient pour les chrétiens la figure du Christ. L’animal est ici aussi substitué à l’homme (ici le Christ).

Symbolisme du Christ sous la forme de l’agneau

C’est donc le moment de soulever la question des crimes rituels en Afrique. Ça fait un certain nombre d’années qu’on entend parler de crimes rituels en Afrique.

Mais qu’est-ce que qu’un crime rituel ? Eh bien c’est un meurtre, un assassinat d’un être humain uniquement. Et pourquoi est-il appelé est rituel ? Eh bien c’est parce ce meurtre est conçu comme étant une tradition en vigueur. En parlant de crimes rituels en Afrique, on essaie dans un sens de faire croire que le meurtre est d’usage dans les traditions africaines.

Le seul cas de mise à mort rituelle connu en Afrique touchait le roi. Pour remplir ses fonctions, il fallait que le roi soit en pleine forme le plus longtemps possible car la vitalité du royaume dépendait de la vitalité du roi dans l’accomplissement de ses taches. Nous avons expliqué en détail le statut symbolique et ontologique du roi dans la tradition africaine ici.

Aussi lorsque le temps passait et que la force du roi déclinait en raison de l’âge ou de la maladie, le roi pouvait être mis à mort, et quelqu’un de plus jeune montait sur le trône.

Mais au fil du temps cette mise à mort rituelle du roi fut transformée en un ensemble de rites de régénération au cours desquels le roi renforçait son énergie, et n’était plus mis à mort réellement mais symboliquement, et de ce fait pouvait continuer à régner, même si son âge avançait.

La pharaon Hatchepsout exécutant un rite (ici une course symbolique) pour prouver sa vitalité

Mis à part la mise à mort réelle puis plus tard symbolique du roi, toutes nos traditions ancestrales montrent que les traditions africaines ont un respect de la vie et de la vie humaine. 

C’est même pour ça que lorsqu’une personne meurt et qu’on estime que cette personne a été victime d’un  meurtre, il existe des rites qui consistent à interroger le défunt pour savoir qui l’a tué afin de retrouver et de punir les coupables.

Tout ceci pour dire que les crimes rituels ne sont pas des coutumes dans la tradition africaine. Par conséquent ces crimes dits « rituels » n’en sont pas et n’ont aucun lien avec la tradition. Si certains prétendre les faire en rapport avec les us africains, c’est de la sorcellerie et rien d’autre.

On remarquera cependant que ces crimes massifs sont souvent récurrents lors de moments importants de l’histoire politique des pays africains actuels, ou lors de périodes d’élections présidentielles en Afrique, dans beaucoup de pays africains ou la Franc-Maçonnerie règne en maître (ex le Gabon).

En somme les offrandes et sacrifices sont faits pour nourrir et revigorer le monde spirituel, c’est à dire le Créateur, ses formes (divinités), ses intermédiaires (ancêtres); Ils sont aussi faits pour solliciter leur aide en cas de situation problématique dans le monde terrestre.  

Hotep!

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • – Nations Nègres et Culture, Cheikh Anta Diop
  • – Le Sacrifice dans les religions Africaines, Luc de Heusch 
  • – Formules Efficaces pour la Fusion du défunt justifié dans la Lumière Divine (plus connu sous le nom de Livre des Morts des Anciens Egyptiens)
  • – Dieux nourris hommes vivifiés, Le sacrifice en Afrique noire, article de Claude Rivière paru dans la revue Anthropos.
  • – Bible
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