Sam Nujoma, le père de la Namibie

« Les Boers (les colons blancs) ne toléraient pas l’égalité. Pour eux c’était une insulte » Sam Nujoma

Le 21 Mars 1990, un des derniers pays colonisés d’Afrique était libéré, et le champion de sa lutte d’indépendance devenait son premier président.

Aux origines

La Namibie a été peuplée initialement par les San, avant l’arrivée des Bantu sur le territoire. Epargné par les esclavagistes européens, le pays est envahi par les Allemands qui en font au 19e siècle une colonie nommée Afrique du Sud-Est. Cette colonisation germanique très brutale va être marquée par le massacre de 100 000 Herero, Nama et Basters. Ce crime reste le premier génocide en date du 20e siècle.

Le genocide namibien

L’apartheid

A la fin de la première guerre mondiale, toutes les colonies allemandes sont redistribuées aux vainqueurs et leurs alliés, sous tutelle de la Société des Nations (SDN), ancêtre de l’ONU. L’Afrique du Sud ségréguée hérite donc de l’Afrique du Sud-Est et en fait de facto, malgré les protestations de la SDN, la 5e province de l’Union Sud-Africaine. Les colons hollandais d’Afrique du Sud viennent s’ajouter aux descendants d’Allemands pour y continuer un système raciste.

Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma (lire Nuyoma) nait en 1929 en territoire Ovambo au nord de l’Afrique du Sud-Est. Fils d’une princesse, il passe son enfance à s’occuper des troupeaux que détiennent sa famille. A 20 ans il va vivre dans la capitale Windhoek pour y travailler sur les chemins de fer.

Sam Nujoma

En 1948, l’Afrique du Sud instaure officiellement le système de l’apartheid. A la discrimination économique et politique que subissent les Africains, vient s’ajouter la fameuse obligation de détenir des passeports, qui contrôlent et restreignent leurs mouvements sur leurs propres terres. Révolté par la situation, Sam Nujoma cofonde l’OPO (Ovambo People’s Organisation), qui deviendra le SWAPO (South West Africa People’s Organisation).

Dans la capitale Windhoek, les Noirs sont cantonnés dans ce qui est appelée Old Location. Malgré leur misère, ils embellissent l’endroit à tel point que le gouvernement blanc juge qu’il est trop beau pour des Noirs. Les autorités de l’apartheid décident donc de déporter les Noirs vers un endroit aride et reculée en 1959. Sam Nujoma mène la rébellion. 12 personnes sont tuées lors des protestations. Emprisonné, il s’échappe dès sa libération avant son procès, et fuit de manière rocambolesque vers la Tanzanie, en passant par le Botswana, le Zimbabwe et la Zambie.

Signe mentionnant un lieu réservé uniquement aux les Blancs pendant l’apartheid. Ce genre de panneaux étaient aussi presents en Namibie

La longue guerre d’indépendance

Le SWAPO fini par être reconnu par plusieurs pays et organisations internationales, comme représentant légitime des peuples de l’Afrique du Sud-Est. Malgré les sommations de l’ONU, l’Afrique du Sud refuse d’entamer la décolonisation de l’Afrique du Sud-Est.

Se rendant compte que la voix diplomatique ne mènera à rien, Sam Nujoma fonde la branche armée du SWAPO, qu’il baptise SWALA (South West Africa Liberation Army). Protégé par la Tanzanie de Julius Nyerere comme presque tous les mouvements indépendantistes d’Afrique australe, le SWALA est armé par l’Union Soviétique. C’est avec de l’armement lourd, des milliers d’hommes formés, et une infiltration du terrain, que Nujoma lance les hostilités en 1964. Il a 35 ans.

En 1968, l’ONU adopte le nom Namibie, qui vient du désert du Namib couvrant la côte du pays. Le nom issu de la langue Nama, a été choisi par Mburumba Kerina, cadre du SWAPO. Le SWALA deviendra ainsi le PLAN (People’s Liberation Army of Namibia). Pendant des années, les forces de l’apartheid tiennent l’armée de Nujoma en échec, jusqu’à l’arrivée de Cuba dans le conflit.

L’Angola

En 1974, à la faveur de la révolution des œillets au Portugal, l’Angola obtient son indépendance. 3 mouvements en compétition auront mené la lutte de décolonisation : le MPLA, fait essentiellement de Noirs et de métis portuguisés ; l’UNITA fait essentiellement d’Ovimbundu, premier peuple en nombre du pays ; le FLNA fait de baKongo qui rêvent de recréer le grand royaume kongo du 16e siècle.

Le MPLA fini par prendre le dessus à l’indépendance, mais sa proximité avec l’Union Soviétique en fait la cible de l’Afrique du Sud et des États-Unis. Ces deux derniers pays vont soutenir l’UNITA, à condition qu’elle lutte aussi contre le PLAN. En soutient au MPLA, au PLAN et à l’ANC, Fidel Castro envoie des milliers de Cubains et l’Union soviétique arme lourdement le MPLA.

La guerre devient de plus en plus féroce et prend de l’ampleur. Le PLAN depuis ses bases en Zambie et en Angola prend une part entière au conflit. Sam Nujoma perd des milliers d’hommes. Des milliers de Cubains vont également mourir en territoire africain.

Nujoma et ses troupes sur le terrain

Après des années de guerre, Cuba et l’Afrique du Sud signent un cessez le feu. L’Afrique du Sud est forcée de décoloniser la Namibie. Les premières élections libres de 1989 voient le SWAPO obtenir 57% des voix. Sam Nujoma devient le premier president de la Namibie indépendante en 1990. La guerre d’indépendance aura duré 25 ans.

Nujoma président

Le president Nujoma, comme Nelson Mandela, opte pour une politique de réconciliation nationale et une redistribution des terres qui se veut prudente. Il est crédité d’avoir instauré et globalement maintenu la démocratie et la paix dans le pays. Ainsi, malgré des inégalités économiques comme en Afrique du Sud, la Namibie est un pays très paisible.

Revue des troupes par le president Nujoma lors de son investiture le 21 Mars 1990
(Photo credit : TREVOR SAMSON/AFP via Getty Images)

Mais Sam Nujoma a été aussi critiqué pour sa volonté de censure de la presse et l’achat d’avions présidentiels chers, alors que l’économie était en crise. Il est réélu en 1994 et en 1999 avec 76% des voix, et quitte pacifiquement le pouvoir en 2004. Il est célébré aujourd’hui comme le père fondateur de la Namibie dont il reste, avec son sourire et sa bonne humeur constantes, la figure tutélaire.

Les problèmes de la Namibie

Comme en Afrique du Sud, la redistribution des terres voulue n’a toujours pas eu lieu, et le problème semble, pour qui ne veut pas d’une solution zimbabwéenne, très difficile à résoudre.

Les Blancs d’origine hollandaise et allemande, pourtant 5% de la population, détiennent encore 70% des terres agricoles commerciales. Du fait de s’être passés richesses de génération en génération, la minorité blanche vit globalement bien alors que quelque 80% des Noirs sont toujours pauvres, même si bien entendu une classe moyenne noire a émergé.

La décolonisation semble aussi être lente sur les noms. Les grandes villes du pays (Windhoek, Walvis Bay, Swakopmund, Keetmanshoop) ont toujours des noms européens.

Sam Nujoma et ses camarades, aidés du sacrifice de 11 000 Namibiens morts au combat, soutenus par l’Afrique australe et l’ancien bloc communiste, ont libéré la Namibie et donné des droits politiques fondamentaux aux Noirs. Sam Nujoma reste un des pères de l’Afrique moderne. Il appartient aux générations actuelles donc de continuer son travail pour gagner aussi leurs droits économiques. 

La lutte continue! 

Le Heroes’ Acre, complexe de monuments à Windhoek, dédié à la lutte d’indépendance
Statue de Sam Nujoma à l’entrée du Independance Memorial Museum de Windhoek

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama  © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

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