Maât dans la société Baoulé

Maât, la philosophie africaine, qu’on retrouve dès la haute antiquité chez nos ancêtres de la vallée du Nil, se trouve dans toutes les traditions du Continent Noir. Exemple avec les Baoulé de Côte d’Ivoire dans cet article.

Pour comprendre nos présents écrits, nous invitons la lectrice et le lecteur à se documenter sur les origines et les fondements de Maât.

Quelle que soit la région d’où vous venez sur le continent, si vous connaissez bien votre culture et vos traditions, vous vous rendrez compte que les principes de Maât, même s’ils figurent dans vos traditions sous un autre nom, existent.

La figuration de la Maât dans la vallée du Nil

Nous partageons ici des extraits d’un article de qualité de Konan Bonthin, membre de l’organisation Afrocentricity International. Il s’agit d’une recherche sur les Baoulé, sous-groupe du grand peuple Akan du Ghana et Côte d’Ivoire. Après un important travail de recherche, Maât a été retrouvée intacte sous le nom de Gnamien M’Mla. Tous les principes de Maât sont conservés.

Ceci prouve, encore une fois, qu’aussi loin qu’on remonte dans le temps, les Africains, depuis l’antiquité pharaonique jusqu’à aujourd’hui, ne sont en réalité qu’un seul et même peuple, puisqu’ils partagent les mêmes valeurs, les mêmes cultures, la même histoire et les mêmes traditions depuis longtemps. 

LA MAAT DANS LA SOCIETE BAOULE

Aucune société soucieuse de l’harmonie ne peut fonctionner sans se doter de règles. L’ensemble de ces règles peut être porté à la connaissance de tous les citoyens par transmission orale ou écrite.

Selon la société concernée et le mode choisit, on parle de code moral, d’interdits, de commandements ou de lois. Appelé MÂAT, ce code moral est le tout premier du genre de toute l’humanité. Il date de 3000 ans avant l’ère chrétienne et est le garant de l’harmonie, l’équilibre, la paix, la stabilité et la justice. MÂAT a été dictée aux kamits par AMON-RA, l’unique créateur-créatrice de l’univers et de l’humain. Amon/Imana/Amen a mis ces commandements dans l’univers et les Africains les ont déchiffré en analysant l’Univers.

Dans un de ses textes, Maât comporte jusqu’à quarante-deux (42) articles. Elle est surtout la source historique des dix (10) commandements de la Bible et du Coran.

Ainsi, la société Baoulé – peuple venu de l’actuel Ghana et vivant au centre de la Côte d’Ivoire depuis le XVIème siècle – les interdits sont connus sous le nom de « GNAMMIEN M’MLA ». Ils sont enseignés et transmis au sein de la cellule familiale et divers canaux spirituels tels que : les initiés des bois sacrés, les dignitaires des pouvoirs communautaires, les gardiens de temples et les prêtresses voyantes.

Dans le souci de révéler les similitudes entre le Gnammien M’mla et Mâat, il apparait nécessaire de citer en premier lieu les quarante-deux (42) articles de celle-ci :

Le chapitre concernant les 42 commandements de Maât dans le livre des Formules efficaces pour la Fusion dans la lumière divine, plus connu sous le nom de « Livre des Morts des anciens égyptiens ».
  • Je n’ai pas commis l’iniquité
  • Je n’ai pas agi avec violence
  • Je n’ai pas été cupide
  • Je n’ai pas volé
  • Je n’ai tué personne 
  • Je n’ai pas diminué le boisseau
  • Je n’ai pas commis de forfaiture
  • Je n’ai pas volé les biens d’une divinité
  • Je n’ai pas dit de mensonge
  • Je n’ai pas dérobé de nourriture
  • Je n’ai pas été de mauvaise humeur
  • Je n’ai rien transgressé
  • Je n’ai pas tué d’animal sacré
  • Je n’ai pas fait de spéculation avec les grains de céréales
  • Je n’ai pas volé de ration de pain
  • Je n’ai pas épié
  • Je n’ai jamais péché par excès de parole
  • Je ne me suis disputé que pour mes affaires personnelles 
  • Je n’ai commerce avec femme mariée
  • Je n’ai pas forniqué
  • Je n’ai pas inspiré de crainte
  • Je ne me suis pas emporté en parole
  • Je n’ai pas été sourd aux paroles de vérité
  • Je n’ai pas été insolant
  • Je n’ai jamais fait verser des larmes à mes semblables
  • Je n’ai pas été dépravé ni pédéraste
  • Je n’ai pas été faux
  • Je n’ai pas insulté mon semblable
  • Je n’ai été brutal
  • Je n’ai pas agis avec précipitation
  • Je n’ai pas transgressé ma condition au point de m’emporter contre DIEU
  • Je n’ai pas été bavard
  • Je suis sans péché, je n’ai pas fait de mal
  • Je n’ai pas insulté le Roi
  • Je n’ai pas pollué les eaux
  • Je n’ai pas été hautain
  • Je n’ai pas blasphémé DIEU
  • Je n’ai jamais été impertinent, ni insolant
  • Je n’ai pas fait d’exception illicite en ma faveur
  • Je ne me suis pas enrichi de façon illicite
  • Je n’ai pas calomnié DIEU dans ma ville.

« Cité dans  JP Omotundé  PP 67-71 »

Justice, Vérité et Bonté sont les trois principes de la divinité égyptienne Maât dans l’Egypte Ancienne.

Il peut arriver que le nombre des articles des interdits ne soit pas quarante-deux (42). Mais le concept de la Mâat reste partout le même dans le monde noir.

Le cas des Baoulé n’échappe pas à ces deux faits ; Ce qui pourrait expliquer l’appellation Gnammien M’mla.

Ici, le nombre – trente-six (36) – que nous avons recensé n’est pas exhaustif.

La croix pharaonique est identique au symbole Akwaba, symbole qu’on retrouve chez les Baoulé et chez le peuple Akan en général.

Présent dans la vie quotidienne des Baoulé, le GNAMMIEN M’MLA se dicte dans un style de recommandations ; à savoir :

  1. Nan fâ Gnammien-Kpli yiyi wô gni su : Ne blasphème pas Gnammien-Kpli (Dieu) ;
  1. Nan can amouin’bo nu n’dè gwa su : Ne raconte pas les secrets du bois sacré aux non-initiés ;
  1. Nan coun sran : Ne jamais ôter la vie à son semblable ;
  1. Nan fâ n’gna tèh : Ne possède pas d’égrégore à usage négatif ;
  1. Nan clôclô blo nigué mu : Ne provoque pas les habitants de la forêt (génie, etc.) ;
  1. Nan coundè blâ blo : N’entretiens pas de rapport sexuel en brousse (hors des habitats) ;
  1. Nan tôh blâ gblu : Ne commets pas le viol ;
  1. Nan yo blâ fin’fin’ : Ne maltraite pas la femme ;
  1. Nan yo n’zué abôlè : Ne gaspille pas l’eau ;
  1. Nan yo klôh n’nin abôlè : Ne maltraite pas les animaux (domestiques) ;
  1. Nan coundè wô wiégu i yi : Ne commets pas l’adultère ;
  1. Nan man wô nouan to Agwa ni klôh kpingbin mu : Ne manques aux nobles (Rois et Chefs de villages) ;
  1. Fôhn’vô hounmien mu, man bé sasa wô : Honore les Ancêtres afin qu’ils veillent sur toi ;
  1. Nan wâ wama su aliè : Ne vole pas la nourriture étalée sur l’autel des Ancêtres ;
  1. Man wô gni yi wô sy, ô ni wô ny : Respecte ton père et ta mère ;
  1. Man wô gni yi wô gnroun kpingbin mu : Respecte le droit de naissance ;
  1. Nan kpla kpingbin nouan n’dêh : N’arrache pas la parole à un aîné ;
  1. Nan bo sanzan wô wâh su : Ne prononce pas de parole maléfique à l’endroit de ta progéniture ;
  1. Nan wâ : Ne vole pas ;
  1. Nan kpêh sayè : Ne sois pas auteur de problème délicat à résoudre par ta famille ;
  1. Nan sri wô wiégou sa yalè su : Ne ris pas du malheur de ton prochain ;
  1. Nan to gblè : Ne raconte pas de mensonges ;
  1. Nan di n’droumou : Ne triche pas ;
  1. Nan fia n’dêh nanwlè su : Ne cache pas la vérité ;
  1. Nan bou wô wiégou louflé : Ne pas léser son prochain ;
  1. Yidjôh tchêtchê : la parole est sacrée ; parle juste, sans t’emporter ;
  1. Nan yidjôh fin’fin n’zra nu : Ne sois pas bavard (ne divagues pas) en public ;
  1. Nan yo wô wiégou têh : Ne nuit pas à ton prochain ;
  1. Nan yo n’zan bo fouè : Ne sois pas ivrogne, alcoolique ;
  1. Nan goua wô wiégou gni assé : Ne pas honnir, offusquer son prochain ;
  1. Nan fâ wô wiégou i oun ya : Ne te fâche pas avec ton prochain ;
  1. Nan kpêh wô wiégoun n’zoua : Ne prononces pas d’injures à l’endroit de ton semblable ;
  1.  Nan yo n’zagué fouè : Ne sois pas insolent ;
  1. Nan yo vigui-vigui fouè : Ne sois pas turbulent ;
  1. Nan sri fôlèh fouè : Ne te moque pas d’un handicapé ;
  1. Nan hogo hogo wô oun : Sois humble et modeste.

En somme, l’existence de la Mâat ou Gnammien M’Mla dans le quotidien du peuple Baoulè est d’autant vrai que dans le langage courant, des proverbes, fables et contes sont dits pour soutenir la plupart de ces recommandations.

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Femmes Baoulé lors d’une cérémonie

C’est le cas des articles (1 ; 13 ; 21 ; 24 ; 25 ; 26 ; 28 et 36) :

  1. Nan fâ Gnammien-Kpli yiyi wô gni su : Ne blasphème pas Gnammien-Kpli 

Proverbe : Bé cloa fiâ man Gnammien-Kpli boh : Il n’existe aucun endroit où se cacher au point de ne pas être vu par Gnammien-kpli ;

  1. Fôhn’vô hounmien mu, man bé sasa wô : Honores les Ancêtres afin qu’ils veillent sur toi 

Proverbe : Sran n’ga ô co kpê wô hounmien boua, ô lé man boua kplo wô bo : Celui qui est capable de faire offrande d’un mouton en ton honneur (en tant qu’ancêtre), ne t’arraches pas une peau de mouton, de ton vivant ;

  1. Nan sri wô wiégou sa yalè su : Ne ris pas du malheur de ton prochain 

Proverbe : Kê wô di fouêh i sa, nian wô lièPendant que tu manges la paume de fouêh, rappelles-toi qu’elle ressemble à la tienne ;

NB : fouêh est une race de singe dont la paume des pattes avant ressemble à celle des humains ;

  1. Nan fia n’dêh nanwlè su : Ne caches pas la vérité

Proverbe : Bé fâ man fah-tôlèh yo man n’dowaSi tu utilises la terre battue pour grossir tes mollets, elle finira par tomber ; et l’on connaîtra la vraie forme de tes mollets.

En d’autres termes, on dira que la vérité finit toujours par triompher du mensonge ;

  1. Nan bou wô wiégou louflé : Ne pas léser son prochain

    Proverbe Sê wô di can’ga louflé, wô bloun la goua su : A force de traquer le crabe qui se cache dans son trou parce qu’il est inoffensif, ton cul fini par se situer en hauteur et devenir vulnérable (à la portée des regards) ;
  1. Yidjôh tchêtchê : la parole est sacré ; parles juste, sans t’emporter

    Proverbe : Coclô-wètè fâ i nouan nu fêh nanti n’djé mu bé nu :C’est l’éloquence du mille-pattes qui lui permet de traverser la colonne des magnans ; 
  1. Nan yo wô wiégou têh : Ne nuit pas ton prochain 

Proverbe : Sê wô kpè atin’ têh, ô fité wô odwaSi tu fais du mal à ton prochain, tu finiras par récolter les conséquences ;

  1. Nan hogo hogo wô oun : Sois humble et modeste (fable)

Proverbe : Anouman-bobo kpôkpô wan ô cloa sié i ni waca bouè nu, i ti ô côh man sè bo; wié coun I ny, I nouan wa woun. I ti yè, bé sé kè sran klwakwa mian i wiégou sa nuAnouman-bobo kpôkpô a pris la décision de jamais participer aux obsèques des autres, pensant pouvoir creuser tout seul la tombe de sa mère ; malheureusement, au décès de celle-ci, son bec se trouve être enflé. Ce qui revient à dire que nul ne peut vivre sans autrui.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama

Source : Konan Bonthin, chercheur à KEMETMAAT (Association panafricaine en Cote d’Ivoire). Article publié sur le site d’Afrocentricity International 

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