La réforme religieuse d’Akhenaton : mythes et réalité

Ce roi est très connu, et son règne a marqué profondément l’histoire de l’humanité. La version officielle le présente comme un pharaon hérétique, comme un mystique, ou comme l’inventeur du monothéisme dans la civilisation pharaonique, tout ceci en raison de l’orientation religieuse dont il a fait la promotion durant ses 17 années de pouvoir.

Nefer Kheperoura Wa-n-Ra Imanahotep, devenu Akhenaton

Mais qu’est-ce qu’Akhenaton a voulu faire exactement ? A-t-il voulu créer une nouvelle religion ? Ou a-t-il voulu créer un « nouveau Dieu » Aton comme tant le disent ? Ou encore a-t-il voulu créer le monothéisme – religion avec un seul Dieu – pour remplacer un soi-disant polythéisme – religion avec plusieurs dieux – dans la civilisation pharaonique comme le prétendent toutes les versions officielles ?

Avant toutes choses il faut savoir que ce sont les Occidentaux qui présentent la civilisation égyptienne à travers tous leurs médias dominants, tous leurs documentaires mensongers et publications de toutes sortes, comme une civilisation polythéiste.

Mais lorsqu’on sait que le pharaon Akhenaton est – avant d’être un roi – un citoyen des bords du Nil et qu’il a grandi et a été éduqué et initié dans cette culture des bords du Nil avant d’accéder au trône, on se pose la question de savoir : comment un pharaon qui a grandi et a été éduqué dans une civilisation et dans une culture dite polythéiste, peut-il tout d’un coup arriver au pouvoir et devenir monothéiste ?

Le Pharaon Akhenaton en âge d’adolescence. C’est à cet âge qu’il est monté sur le trône d’Egypte et est devenu le roi, à la mort de son père Imanahotep Hekaouaset (Amenhotep III)

Voilà le problème que ceux qui présentent la civilisation pharaonique comme polythéiste n’arrivent pas à résoudre par des arguments clairs et concrets depuis longtemps. Malgré le fait que les médias présentent la civilisation pharaonique comme polythéiste, toute la littérature pharaonique et tous les textes pharaoniques à toutes les époques de cette civilisation, montrent que nos ancêtres de la vallée du Nil n’ont jamais, jamais été polythéistes !!!

Les Africains de la vallée du Nil ont toujours dit qu’il y avait un seul Dieu. Ils l’appelaient Imana, Amon, Amen etc.. nom qui signifie le Caché. En effet nos ancêtres considéraient le Créateur-la Créatrice comme un Être caché, insaisissable, insondable, invisible pour les humains, puisque ceux-ci sont bloqués par leurs sens (Ouïe, Odorat, etc..) qui les empêchent de le cerner entièrement.

Nos ancêtres ont dit que le Créateur unique caché, possède – à la manière d’un diamant – plusieurs facettes, par lesquelles Il-Elle remplit ses fonctions, se manifeste à la création et aux créatures. Ce sont ces multiples facettes ou manifestations du Créateur unique que nos ancêtres dans la civilisation pharaonique appelaient sous les noms Osiris, Isis, Thot, Ra, etc… Les textes pharaoniques appellent l’ensemble de ces manifestations du Créateur Neterou ou Ntjerou.

Représentation d’Ama/ Amani/ Imana/ Amon/ Amen/ Nyamien/ Nyambe/ Nzambi etc… Dieu unique de l’Afrique, sous forme humaine masculine. C’est le Dieu unique que nos ancêtres invoquaient depuis longtemps dans la vallée du Nil (Gravure du temple de la pharaon Hatchepsout)

Prenons par exemple le texte intitulé Doua n Imana (Louange à Amon) tiré du Papyrus de Leyde :

On a : « Unique est Amon qui est caché pour eux (…) sans que l’on connaisse son véritable aspect ». Le texte fait clairement référence ici au fait que le Créateur est caché, inconnaissable, insaisissable, etc.… et surtout qu’il est l’unique. Un autre passage de ce texte dit encore que le Créateur est : « Mystérieux de naissance, resplendissant de formes, Dieu merveilleux aux multiples apparitions ». Cette partie du texte fait clairement référence aux « multiples apparitions », c’est-à-dire les multiples facettes et manifestations du Créateur.

La pensée religieuse de nos ancêtres est donc monothéiste puisqu’elle affirme depuis toujours à travers tous les documents, textes et fresques, l’existence du Dieu unique qui se manifeste de plusieurs manières (Isis, Osiris, Thot, Ra, etc…). Les égyptologues occidentaux qui font de nombreux documentaires télévisés connaissent bien ces textes pharaoniques qui disent que Dieu en Egypte fut unique, mais pourquoi continuent-ils à dire que la pensée pharaonique est polythéiste alors?

Eh bien c’est pour sauver les religions dites révélées (Judaïsme, Christianisme, Islam). Ces religions révélées disent que c’est à partir d’Abraham que le Dieu unique s’est révélée à l’humanité et sous entendent qu’avant Abraham personne sur terre ne connaissait Dieu et que l’humanité entière, la civilisation pharaonique y compris, vivait dans le polythéisme, le vice et dans l’idolâtrie.

Si l’Occident reconnait officiellement que le monothéisme existait déjà depuis bien longtemps en Afrique dans la vallée du Nil, ça signifierait que le monothéisme n’a pas commencé avec la prétendue révélation de Dieu à Abraham. La version des religions révélées s’effondrerait ainsi automatiquement ! Imaginez alors les conséquences d’une telle information à l’échelle mondiale puisqu’il existe des milliards d’adeptes de ces religions !!

Cheikh Anta Diop nous dit dans Nations Nègres et Culture, page 45, que : « Le monothéisme dans toute son abstraction, existait déjà en Egypte ». Etant donné que la civilisation pharaonique est monothéiste depuis toujours, ça signifie donc que le pharaon Akhenaton n’est pas l’inventeur d’une religion ou du monothéisme dans la civilisation pharaonique comme on a coutume de l’entendre un peu partout !!

Ajouté à cela il faut dire aussi que le nom d’Aton, dont parlait Akhenaton comme étant un des noms de Dieu, existait déjà dans les textes pharaoniques plus de 1000 ans avant la naissance de celui qui deviendra Akhenaton. Aton comme Râ/Ré était un des noms du Soleil messager de Dieu sur Terre. Akhenaton n’a donc rien créé ou rien inventé, lorsqu’il parlait d’Aton durant son règne.

Qu’a donc réellement voulu faire Akhenaton ?

Cheikh Anta Diop nous dit dans Nations Nègres et Culture, page 44 qu’Akhenaton « tenta de rénover le monothéisme égyptien primitif, qui s’estompait sous l’appareil sacerdotal et la corruption des prêtres ». Il nous dit donc qu’Akhenaton n’a pas créé de nouvelle religion, mais a tout simplement tenté de rénover le monothéisme qui existait déjà dans la civilisation pharaonique depuis longtemps. C’est donc une simple réforme religieuse qu’Akhenaton a entreprise, en sa qualité de prêtre et de guide spirituel du pays.

Pourquoi Akhenaton a fait cette réforme ? C’est pour lutter contre « la corruption des prêtres ». Les textes de cette époque révèlent que le clergé avait un pouvoir trop important et usait de sa position dominante pour se livrer à certains abus de pouvoir et à de la corruption. Il existait donc des problèmes d’équilibre entre le pouvoir du clergé et le pouvoir royal.

Ces problèmes internes ont abouti à des querelles et des désaccords profonds entre le clergé et le roi. C’est afin de résoudre ces problèmes de pouvoir, d’autorité et de corruption au sein de l’empire qu’Akhenaton a fait cette réforme. La reforme d’Akhenaton est donc une reforme religieuse, mais qui s’est faite sur des raisons politiques, c’est-à-dire de pouvoir et d’autorité ; et morales (lutte contre la corruption). La reforme avait donc un côté politique et un coté religieux.

Reproduction du Grand Hymne à Aton d’Akhenaton, texte retrouvé dans la tombe du père divin Ay, l’homme sous la conduite duquel le futur Akhenaton a reçu l’initiation. Ay qui deviendra plus tard Pharaon était également l’oncle maternel d’Akhenaton et très probablement père de sa future femme Nefertiti.

L’esprit de la réforme était simple. Il consistait à casser le pouvoir et l’autorité du clergé tout en réaffirmant l’autorité du pouvoir royal. Akhenaton entendait diminuer les droits et les avantages du clergé.

La célèbre invocation d’Akhenaton dénommée le grand hymne à Aton est un des textes importants qui nous permet de comprendre maintenant la pensée religieuse que voulait prôner Akhenaton dans sa réforme. Rappelons que pour nos ancêtres le créateur est unique, et possède plusieurs facettes, plusieurs formes. Eh bien Akhenaton dans son invocation à Dieu, ne s’écarte pas de cet enseignement hérité des ancêtres. Ainsi il dit à Dieu « Tu extrais éternellement des millions de formes à partir de toi-même, tout en demeurant un ».

Akhenaton rappelle donc que le Créateur, tout en étant unique, se manifeste sous plusieurs formes. Il ne change donc rien à l’enseignement religieux qui existait avant lui. Bien au contraire il affirme cela lui-même.

Akhenaton dit encore à Dieu :

« Tous les pays étrangers, si loin soient-ils, tu les fais vivre aussi,
Tu as placé un Nil dans Heret (La Pluie) qui descend pour eux,
Il donne forme aux courants d’eau pour arroser leurs champs et leurs villes.
Que tes dessins sont excellents, O Seigneur d’éternité,
Un Nil dans le ciel, c’est le don que tu as fait aux étrangers ».

Il faut rappeler qu’Akhenaton est monté sur le trône sous la 18ème dynastie, dynastie pendant laquelle le Pharaon Menkheperrè Djehouty-Messou (Thoutmosis III) avait auparavant régné et avait au gré de ses batailles et de ses victoires militaires contre les neuf arcs c’est-à-dire les peuples ennemis de l’Egypte, élargi les frontières du pays jusqu’à leur taille maximale. Ainsi lorsque qu’Akhenaton arrive au pouvoir, il y a beaucoup d’étrangers issus des régions conquises qui viennent en Egypte ou qui vivent en Egypte.

Akhenaton dans sa prière, prie aussi pour les étrangers. Il parle du Dieu de ses ancêtres, insinuant que Dieu est pour son peuple à lui, mais aussi les autres. Akhenaton va donc développer la pensée d’un universalisme religieux, d’une spiritualité universelle pour tous, alors que nos ancêtres n’avaient pas coutume d’imposer leur vision religieuse aux autres. Les anciens Africains préféraient laisser les étrangers pratiquer leurs propres rites.

Akhenaton va donc tenter de répandre l’enseignement religieux réformé qu’il prône aux populations étrangères qui vivaient dans le pays. Lorsqu’il crée donc sa nouvelle ville, sa cité sainte, la cité de l’horizon d’Aton (Akhetaton), il invite tous ceux qui le souhaitent, peuple égyptien ou étranger, à s’y installer.

Reconstitution en 3D d’une vue générale de la cité de l’horizon d’Aton (Akhetaton) avec des infrastructures principales et ses alentours

Akhenaton dit encore à Dieu :
« Il n’y en a point d’autre qui te connaisse,

hormis ton fils Neferkheperoura Wa-n-Ra,

Car tu as fait en sorte de le monter jusqu’à la connaissance totale de ton secret »

Rappelons que pour nos ancêtres le rapport à Dieu est de l’ordre de la connaissance. Cela signifie que pour rendre le culte en tant que prêtre, il fallait avoir la connaissance des choses sacrées. Le roi en sa qualité de prêtre par excellence, était en principe, le seul qui devait rendre le culte dans tout le pays. Mais comme il ne pouvait pas être partout à la fois, c’est ainsi qu’il déléguait son pouvoir à des personnes qualifiées pour le faire en son nom et à sa place. C’est là l’origine du clergé.

Fresque pharaonique où on voit Akhenaton mis en évidence comme le prêtre par excellence, le seul qui dirige le culte divin. La divinité n’est plus représentée sous forme humanisée, mais sous la forme de la lumière divine qui jaillit de l’astre et qui vient se poser sur le roi

Ici le pharaon se présente comme le seul qui connait Dieu et le ou les secrets divins. En faisant cela, Akhenaton use de son pouvoir royal pour écarter totalement le clergé de ses fonctions de rendre le culte, et par la même occasion il décrète donc les cultes et rites divins quotidiens, qu’ils effectuent obligatoirement dans les temples, comme inutiles ou non obligatoires, voire interdits. Ainsi le roi retire au clergé l’aspect le plus important de son pouvoir, et de son prestige, l’autorité religieuse. Le clergé est donc relégué au second plan puisque c’est Akhenaton lui-même qui dirige les cultes.

En se présentant comme le seul détenteur de la connaissance de Dieu, il se pose donc comme le seul habilité à rendre les cultes. Il retourne donc dans les faits, à l’idée de départ selon laquelle le roi est le prêtre par excellence dans la civilisation pharaonique.

Reproduction d’une fresque pharaonique de cette époque. On y voit Akhenaton au centre de l’image. La présence de Dieu est représentée par son messager – le disque de Lumière solaire (Aton) – qui envoie ses rayons sur le couple royal seul. Ce qui signifie que le roi et sa femme la reine Nefertiti se présentent comme les seuls à connaitre les secrets divins, bref comme un couple prophétique par qui il faut passer pour avoir la pleine connaissance d’Imana. Sur l’image on voit les prêtres, etc.. qui sont maintenant en vénération devant le roi et la reine. Akhenaton assoit ainsi son pouvoir et crée ainsi la notion de prophète.

Désormais il impose que c’est donc à lui qu’il faut venir pour avoir la connaissance de Dieu. Akhenaton se pose comme une sorte de prophète. C’est d’ailleurs en faisant cela qu’Akhenaton va lancer le concept de prophète. Il est donc la première forme de prophète dans toute l’histoire de l’humanité.

Akhenaton dit encore à Dieu :
« Dès ton lever, tu fais croître le souverain lui-même,
depuis que tu as agencé les différents éléments de l’univers et que tu les as fait surgir par ta seule volonté pour ton fils issu de ton corps même,
Le roi de Ta Shemou (Haute Egypte) et de Ta Mehou (Basse Egypte), vivant de Maât ,
Le seigneur du double pays Neferkheperoura Wa-n-Ra,
Le fils de Râ, vivant de Maât, le seigneur des couronnes, Akhenaton, Grand dans sa durée éternelle de vie, »

Ici donc on voit qu’Akhenaton se présente comme le roi du pays, le pharaon, c’est-à-dire comme Horus fils d’Osiris, il se présente comme vivant de Maât, et il se présente comme fils de Râ.
Puisqu’il se présente comme Horus, c’est-à-dire fils d’Osiris et Isis, et réincarnation d’Osiris,
Puisqu’il règne comme le veut la tradition avec sa mère la Mère Royale Tiyi, incarnation d’Isis au niveau du pouvoir royal,
Puisqu’il se présente comme Fils de Râ,
Puisqu’il se présente comme vivant de Maât, donc comme serviteur de la Maât…

En disant tout cela Akhenaton ne fait qu’invoquer les mêmes principes et manifestations du créateur (Maât, Râ, etc…) comme cela a toujours été fait dans la civilisation pharaonique. On voit donc qu’Akhenaton dans sa réforme, a résumé et simplifié l’enseignement monothéiste de ses ancêtres pour n’en garder que ce qui lui parait le plus essentiel et le plus fondamental. Dans sa réforme il fait donc un retour aux éléments les plus fondamentaux de la spiritualité de ses ancêtres.

Akhenaton n’était donc ni un fou, ni un hérétique, ni l’inventeur du monothéisme, d’un nouveau dieu, etc… ou quoi que ce soit qui est raconté. Akhenaton est resté fidèle à la spiritualité ancestrale, mais en tant que guide spirituel il l’a réformée et simplifié la doctrine pharaonique dans sa lutte contre le pouvoir trop grand du clergé et contre la corruption des prêtres. C’était sa solution pour régler les problèmes et rétablir l’ordre. Et cette doctrine réformée il a tenté de la diffuser à tous, c’est-à-dire dans son pays et hors de son pays (aux étrangers).

Akhenaton à droite dans la même position qu’Osiris, avec les même insignes qu’Osiris, ce qui montre en dépit de ses reformes et ses innovations, son profond attachement à la spiritualité ancestrale des bords du Nil.

D’un point de vue religieux, le Pharaon a donc absolument centralisé le Divin autour de son messager le disque solaire Aton, auquel on n’accédait que par lui son fils Akhenaton. Il a aussi conservé quelques autres manifestations, et a interdit bon nombre.

Ce qu’on peut dire qu’Akhenaton a lancé et créé par sa réforme et qui n’existait pas avant, c’est que :
C’est lui qui est à l’origine de l’idée des prophètes qui s’est répandue.
C’est lui qui a commencé dans le cadre de sa réforme simplifiée, à ne plus nécessairement représenter le Créateur sous des formes humanisées (statues, images, etc).
C’est lui qui est à l’origine de l’idée de la vision religieuse devant être universelle.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • Extrait de la Louange à Amon, tiré du Papyrus de Leyde
  • Nation Nègres et Culture, Cheikh Anta Diop
  • Le Grand Hymne à Aton du Pharaon Akhenaton
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