Ndate Yalla Mbodj, la reine Wolof qui s’opposa à l’invasion coloniale

Au 19e siècle, cette femme forte refusa de se soumettre à la présence française et demeure une figure importante de la résistance à l’occupation de l’Afrique.

Illustration authentique de Ndate Yalla Mbodj par l’Abbé David Boilat, le 2 septembre 1850. La Linguère fume sa pipe d’honneur, entourée de plus de cinq cent femmes en grande tenue et de tous les princes et guerriers.

Au 14e siècle, naît au Sénégal le royaume wolof de Djolof. Vers le 16e siècle, il se disloque en donnant naissance aux Etats de Djolof, Waalo, Baol et Cayor. Conformément à la tradition matriarcale africaine, ce sont à Waalo les femmes de sang royal, dites Linguère, qui portaient la légitimité du pouvoir. C’est la Linguère qui donnait au roi (Brack), la permission d’exécuter le pouvoir.

C’est ainsi que la Linguère Fatim Mbodj nomma son mari Amar Borso Mbodj, Brack du Waalo. De leur union étaient nées deux filles, Ndjeumbet et Ndate Yalla. Très jeunes, les princesses furent préparées par leur mère à la gestion du royaume et à sa défense.

En 1820, le Brack se soigne hors du Waalo lorsque les Berbères, encore appelés Maures, attaquent le royaume. Fatim Mbodj et son armée de femmes déguisées en hommes, affrontent et repoussent les envahisseurs esclavagistes.

Blessés dans leur orgueil pour avoir été tenus en échec par des femmes, les Maures décident d’une autre expédition. La défaite et la mise en esclavage paraissant inéluctable, la Linguère et ses combattantes se suicident collectivement par le feu, laissant échapper ses deux filles, de 10 et 12 ans, pour qu’elles continuent la lignée.  

Les deux femmes prennent les commandes du Waalo. Leur cousin Mambodj Malick, nommé Brack, n’assumant qu’un second rôle. A la mort de Ndjeumbet en 1846, Ndate Yalla a 36 ans quand elle assume seule les pleins pouvoirs sur le royaume.

En 1848, les français commencent officiellement la colonisation du Sénégal à partir de Saint Louis, dit Ndar en Wolof, annexée depuis le 17e siècle. Ndate Yalla Mbodj impressionne par son autorité, au point où les colons la considèrent comme l’un des principaux souverains au Sénégal. Leur expansion va rencontrer l’opposition de la reine.

Face au plan français d’annexion de l’île de Mboyo, la reine écrit au gouverneur colonial Louis Faidherbe et dit « Le but de cette lettre est de vous faire savoir que l’île de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi aujourd’hui. Il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient. Il est à moi seule ». La reine refuse également le passage sur son territoire aux Sarakollé qui livrent Saint Louis en bétail.

Louis Faidherbe

Face à la volonté toujours plus grande d’expansion des français, elle répond en faisant piller par ses armées les alentours de Saint Louis. Faidherbe lui écrit « Si tu veux que les bonnes relations continuent entre nous, tu devras rendre les 16 bœufs qui sont entre tes mains (…) sinon je deviendrai ton ennemi et c’est toi seule qui l’auras voulu ».

La reine continue à défier l’autorité coloniale française en engageant une série de batailles. La Linguère fait interdire en partie le commerce profitable aux français, qui décident d’en finir en envoyant une armée de 15 000 hommes soumettre Ndate Yalla en 1855.

A l’heure de la bataille décisive, La reine dit « Aujourd’hui nous sommes envahis par les conquérants. Notre armée est en déroute. Les tiédos du Walo, si vaillants guerriers soient-ils, sont presque tous tombés sous les balles de l’ennemi. L’envahisseur est plus fort que nous, je le sais, mais devrions-nous abandonner le Walo aux mains des étrangers ? ». Elle est battue en 1855 et meurt 5 ans plus tard. Waalo est annexé par la France.

Faidherbe fait capturer son fils Sidya Ndate Yalla Diop, qu’il baptise Léon. Le fils de Ndate Yalla est mis à l’école française à Saint Louis puis à Alger, où on essaie d’en faire un relais colonial docile. A son retour sur ses terres natales, Sidya Diop a 17 ans quand il clame sa continuité avec sa mère, rejette son nom colonial, la langue et les vêtements français.

Le prince monte un mouvement de résistance d’envergure, infligeant, avec sa puissante armée, des pertes importantes dans les rangs ennemis. Tentant de former un front de libération nationale, il est trahi et pris par les français, au terme d’affrontements particulièrement violents. Déporté au Gabon et déséspéré de ne pouvoir retourner au Sénégal, il se suicide à 30 ans. Comme sa mère, il reste un des principaux résistants à la colonisation du Sénégal.

Ndate Yalla Mbodj fait partie de ces nombreuses femmes fortes au cours de l’histoire africaine, qui se sont opposées aux Européens, depuis l’impératrice du Soudan Kandake Amenirenas dans l’antiquité, en passant par la reine Nzinga en Angola pendant la traite, jusqu’à la prêtresse Aline Sitoe Diatta toujours au Sénégal ou la reine Yaa Asantewaa au Ghana actuel.

Statue de la Linguère Ndate Yalla Mbodj à Dagana, nord du Sénégal

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

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