Les Héros autorisés

Pourquoi Nelson Mandela et Martin Luther King sont-ils les seuls héros noirs que le système dominant nous pousse à célébrer ? Pourquoi eux et pas les autres ? Y a-t-il un objectif derrière ces choix ? 

mandela king
Nelson Mandela et Martin Luther King

Nelson Mandela  a consacré sa vie à la lutte contre l’oppression. Son rôle dans l’élaboration d’un compromis mettant fin à l’apartheid doit être salué. Ce compromis reste cependant très injuste pour les Noirs. S’il y a bien une classe moyenne noire qui a émergé, les Noirs ne détiennent que 20% des terres en Afrique du sud, alors qu’ils représentent 80% de la population de ce pays riche. Ils sont toujours majoritairement pauvres alors que les Blancs ont un niveau de vie élevé. De ce fait Mandela, imparfait comme tous les hommes, doit être également critiqué.

Martin Luther King quant à lui, a été une figure majeure de la lutte contre la ségrégation aux USA. Il a réussi, avec d’autres, à donner une direction à ce combat. Il est donc un grand. Mais son choix en faveur de l’intégration, et sa foi en la bonté de l’ennemi, ont quelque part mené les Noirs dans une impasse. Il faut donc le critiquer également pour ce trop grand idéalisme qui au final aura en bonne partie desservi les Africains-Américains.

On voit donc que ce sont des héros de bonne foi, qui néanmoins ont fait des compromis qui finalement ont desservi en partie les Noirs et préserver les intérêts des Blancs, que l’Occident célèbre et nous poussent à célébrer. Ceux qui ont été et sont intransigeants, ceux qui ne nous disaient pas « aimes ton enemi », ceux là sont traités de tous les noms.

Marcus Garvey ? Un rêveur. Cheikh Anta Diop ? Un fou. Malcolm X, Robert Mugabe ? Des radicaux. 

Les Blancs aiment-ils leurs ennemis?
Les Blancs aiment-ils leurs ennemis?

Puisque les Noirs d’après le système dominant doivent surtout aimer leurs héros qui ont fait des compromis, qu’en est-il des occidentaux eux-mêmes ? Prenons l’exemple de la deuxième guerre mondiale. Winston Churchill et Charles De Gaulle qui s’y sont illustrés sont célébrés dans leurs pays respectifs comme les plus grands hommes de tous les temps. Franklin Roosevelt, président des Etats-Unis à cette époque, est reconnu comme le plus grand président de l’histoire des Etats-Unis, après Lincoln.

Franklin Roosevelt, le 2e plus grand président de l'histoire des Etats Unis Charles de Gaulle, le plus grand français de tous les temps Winston Churchill, le plus grand britannique de tous les temps
Franklin Roosevelt, le 2e plus grand président de l’histoire des Etats Unis
Charles de Gaulle, le plus grand français de tous les temps selon des classements
Winston Churchill, le plus grand britannique de tous les temps

Qu’est ce que ces 3 hommes ont eu de particulier ? Leur intransigeance. Ils étaient déterminés à écraser les ennemis allemands et japonais qu’ils détestaient. Ceux qui ont fait des compromis sont pour ainsi dire tombés dans la poubelle de l’histoire.

Chamberlain, premier ministre britannique qui négocia un accord de non agression avec Hitler pour éviter les massacres de la guerre, est regardé comme un naïf. Pétain, président de la France qui signa la reddition en partie pour préserver la France des destructions allemandes, est vu comme le traître ultime. Pourtant ces hommes, loin d’être parfaits, pensaient ainsi sauvegarder la vie de leurs peuples. Pour avoir fait des compromis, ils sont généralement mis au banc de l’histoire. Alors que quand les nôtres en font, ils sont sensés être nos icônes suprêmes. 

A gauche : comment les anglais ont aimé leurs ennemis allemands; Le bombardement de Dresde en Allemagne a fait 25 000 morts. C'était des bombardements gratuits, Dresde n'avait pas d'importance militaire A droite : Comment les Américains ont aimé leurs ennemis japonais. Le bombardement nucléaire d'Hiroshima a fait au moins 90 000 morts.
A gauche : comment les Anglais ont aimé leurs ennemis allemands; Le bombardement de Dresde en Allemagne a fait 25 000 morts. Winston Churchill y a fait des bombardements gratuits, Dresde n’avait pas d’importance militaire.
A droite : Comment les Américains ont tendu l’autre joue à leurs ennemis japonais. Le bombardement nucléaire d’Hiroshima a fait au moins 90 000 morts. La bombe atomique a été développée sous Roosevelt et larguée par le président Truman. 

C’est donc l’intransigeance de ces leaders face à l’ennemi qui est saluée et non leurs compromis.

Le message envoyé aux Noirs par le système dominant est très clair. Aimez votre ennemi, continuez à croire en la bonté universelle. Votre salut viendra de votre capacité à céder. Que se dit l’Européen qui a Churchill pour héros ? Que l’héroïsme c’est de ne pas céder. Que se dit l’Africain qui a Mandela pour héros ? Que l’héroïsme c’est compromettre.

Quand Petain salue Hitler, c’est le traître, la honte. Quand Mandela salue De Klerk c’est un homme grand, pur, un océan d’amour abouti. 

Et nous avons fini à travers Mandela et King, par nous convaincre que l’ennemi finira par être bon un jour, qu’il faut juste lui donner le temps, lui expliquer doucement les choses, attendre, négocier, compromettre… pour mieux préparer notre fin.

Mais ce qu’il faut ajouter aussi à propos de ces deux hommes, est qu’on vulgarise surtout les moments de leur vie où ils cherchaient le compromis. Pas question de trop parler de Nelson Mandela, leader de la branche armée de l’ANC, qui posait des bombes et était sur la liste des terroristes en Occident. Pas question de parler de Martin Luther King, qui commençait à douter de l’intégration et réclamait des réparations pour l’esclavage. Ces deux hommes ont eu des périodes d’intransigeance, le premier au début de son combat et l’autre à la fin, qu’on évite au maximum de faire connaître. 

Nelson Mandela en lunettes noires dans les années 60. Il est alors chef d'Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l'ANC. Il est ici en formation militaire en Algérie à côté d'Ahmed Ben Bella et Houari Boumediene, les 2 premiers présidents de l'Algérie.
Nelson Mandela en lunettes noires dans les années 60. Il est alors chef d’Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’ANC. Il est ici en formation militaire en Algérie à côté d’Ahmed Ben Bella et Houari Boumediene, les 2 premiers présidents de l’Algérie.

En résumé, si Mandela et King sont effectivement des grands de l’histoire noire, l’amour hypocrite que l’Occident leur porte a un but clair. Il s’agit de nous affaiblir mentalement. Nous sommes sous le feu d’une propagande.

L’Afrique doit donc non seulement définir qui sont ses héros mais par-dessus tout elle doit maîtriser ses médias pour pouvoir se définir elle-même et être imperméable à la propagande du système dominant.   

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

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